Diner français

Sénateur FrassaDepuis que je m’occupe d’une boulangerie française, je me suis mis à fréquenter les Français.Pas les gens de Tianjin qui se réunissent pour parler de leurs problèmes d’étrangers qui vivent en Chine, mais des gens de Pékin qui ont transporté ici leurs affaires françaises (ce qui ne vaut pas dire qu’ils n’ont pas les mêmes problèmes pour vivre en Chine, mais ce n’était pas le sujet du jour). Donc ce jour là l’invité d’honneur était Christophe-André Frassa, sénateur représentant les Français établis hors de France, nouvellement élu en septembre dernier. C’était Francis Nizet , membre de l’assemblée des français de l’étranger, qui recevait au nom de la francophonie (représentée par le secrétaire de l’ambassade du Gabon) et du parti majoritaire. Il est un de ses grands-électeurs (et il a voté pour lui, je le sais malgré le secret du vote, ils sont du même bord), en qualité d’élu de l’assemblée des Français de l’étranger. Vin blanc de l'apéritifPour en savoir plus sur les représentants des Français de l’étranger (l’étranger est le 7e plus grand département français en nombre d’électeurs) voir le site du Sénat. Si j’ai bien compris, notre sénateur était invité par le gouvernement chinois. On lui a fait la faveur d’une trancription favorable de son nom: ‘fasa’fasace qui se traduit à peu près « Loi, être bienfaisant »; le premier caractère comme la France ‘faguo’faguo, le second comme Lhassa ‘lasa’Lasa. Au dîner, on a parlé de beaucoup de choses, par exemple de cuisine politique. Comment faire place aux futurs députés des Français de l’étranger en gardant le même nombre de députés (577) et sans priver des titulaires actuels de leur siège ? Et des avis sur le spectacle actuel: « Nous sommes dans une période Cassoulet, une petite saucisse et beaucoup de fayots ». Ce que nous mangions était la « cuisine fusion » de ce restaurant chinois tenu par une Française. Salade de frisée assaisonnée au vinaigre chinois, mais avec des petits dés de Beaufort. Soupes et veloutés servis dans de petits bols et non dans une soupière commune mais les plats affluent sur la table au lieu d’apparaître un à un. On nous a servi un apéritif avant de se mettre à table (du vin blanc de Nouvelle-Zélande).

Table servie

Quand même, on se sert et on mange avec des baguettes. Mais il faut avoir le bras long, le plateau tournant est bien loin du bord de la table (pas d’images des gens à table, ils n’ont peut-être pas envie de figurer ici). Ca se passe au « Landmark center », métro ‘Liangmaqiao’ (transcription phonétique là aussi ? La station de métro est toute récente, ligne 10, mais l’échangeur de ce nom existait avant).

Hard Rock cafe

J’ai vraiment une impression de dépaysement le soir dans cet endroit. On n’est plus en Chine et c’est voulu. Ou plutôt c’est la Chine que le pouvoir chinois a voulu montrer pendant les Jeux Olympiques. Pas de triporteurs, pas de petit coin de rue occupé par un mini-marché aux fruits. L’immeuble d’appartements avec services du Landmark est fait pour les étrangers, et le mini-supermarché en bas vend l’Express et Time magazine. L’ensemble est fait pour les mondialisés, Chinois et autres.

Marchand de fruits

(cette image vient du centre de Tianjin, dans une rue transversale)

Pour ça, le quartier où est installée la boulangerie est suffisamment éloigné. La vie « normale » a le droit de se déployer. A l’heure de midi, on voit arriver les livreurs de repas en petites boîtes de plastique blanc pour les gens qui travaillent dans les bureaux. Il fait trop froid pour voir des bureaucrates assis sur les marches leurs baguettes à la main (j’imagine; en réalité ça ne se fait pas dans notre résidence, mais pas loin de l’autre côté de l’avenue c’est le cas).

Livreurs de repas

Une boîte, riz, légumes et un peu de viande, vaut moins de 10 yuans. La boulangerie sert à la même heure (et à toute heure) une pizza abondante, de quoi nourrir deux personnes, pour 35 yuans. Et pour ce prix là on est confortablement assis. C’est quand même plus cher. Et encore, on est dans le secteur moderne. L’unité de travail de mon épouse sert à ses ressortissants des repas à 1 yuan. Je sais de quoi il s’agit parce qu’elle rentre parfois à midi avec le plat du jour qaund elle sait que je suis à la maison. Ce n’est pas très bon, moins bon que les boîtes-repas, et tiède aussi, mais que demander de plus ? On est nourri. En comparaison, ce que nous avons payé pour le repas dont je parlais, pas cher au prix européen, est fastueux. Les bureaucrates pas trop mal payés et les petits patrons de la résidence dépenseraient leur mois rien qu’en mangeant ainsi tous les soirs. La boulangerie leur propose de quoi s’offrir une tranche de confort mondialisé sans se ruiner. Et les Européens du quartier peuvent y soigner leur nostalgie, sans avoir à traverser la ville jusqu’aux endroits dont je parlais tout à l’heure.

Quand je fais la navette Tianjin-Pékin, je navigue aussi entre le monde « mondialisé » et le monde « normal ». Le billet vaut 58 yuans pour les 130 km entre les gares en une demi-heure, en survolant la campagne sur son viaduc. On n’attend jamais le prochain train plus d’une demi-heure. Le train le moins cher (et il n’y en a que trois ou quatre par jour) vaut  5 fois moins (11 yans), met 4 fois plus de temps, et roule au sol entre les trains de charbon (sinon, il irait plus vite). Pour rejoindre la gare sud de Pékin, si éloignée, j’ai le choix entre une heure d’autobus (2 yuans) ou trois quarts d’heure de taxi (25 fois plus cher), et la gare sud est organisée pour le voyageur qui se fait déposer en voiture; l’architecte a laissé les autobus en dehors de son dessin. J’exagère, il y aura un jour le métro, lui aussi à 2 yuans, mais il sera dehors. J’attends le moment où cette gare faite pour la vie mondialisée se fera reconquérir.

Encore une petite histoire pour ma cause. J’ai raccompagné le sénateur à son hôtel, qui se trouve être dans le même quartier que la boulangerie, juste deux kilomètres au-delà. Une fois sortis du boulevard périphérique et des grandes avenues, dans ce quartier résidentiel moderne et banal, nous avons croisé un petit attroupement près d’un carrefour: trois ou quatre vendeurs de nourriture chaude avec leurs triporteurs, des clients autour, et un petit nuage de vapeur illuminée dans le froid de la nuit. Après trois jours entre l’aéroport, son hôtel, et les palais officiels, il m’a demandé ce que c’était. Des gens normaux en Chine.

8 commentaires sur “Diner français

  1. La chute est excellente.
    Il n’est jamais trop tard pour nos dirigeants et nos représentants de savoir comment vivent vraiment les petites gens, que ce soit en France, ou en Chine.

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  2. Bolivar je vous plains, vous etes un retraite pete de thunes et vous passez votre temps a compter les dixiemes d’euros.
    Le contact de la Chine et de votre epouse exacerbe votre cote econome (notez que j’aurais pu dire radin).
    Enfin, si cela vous plait, j’espere au moins que vous en etes conscient.

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  3. Ahem, cher Damien, comment faire pour ne pas parler d’argent dans un billet où les différences de prix pour la même chose sont dans le sujet. Quant à la situation de retraité, certes il est merveilleux de vivre avec un pot d’or qui se remplit tout seul chaque mois. Mais il faut avoir attendu longtemps. Patientez, votre tour viendra (enfin je vous le souhaite) si vous ètes resté dans le cercle de ceux qui cotisent.

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  4. D’accord avec A, il est bon de connaître la vie des gens simples. Bien sûr, tout est relatif, que ce soit dans la manière de vivre, l’argent, les valeurs… Vivre et cotoyer d’autres civilisations aide chacun dans sa réflexion.

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  5. Tout à fait d’accord avec Christine, et avec A.
    Ce blog est constitué de « tranches de vie » qui ouvrent grand les yeux sur d’autres lieux, d’autres manières de voir et de vivre…

    Le rapport à l’argent y est abordé de manière, à mon avis, concrète et originale, avec des touches légères d’humour.
    J’aime bien l’expression : »petit nuage de vapeur illuminée dans le froid de la nuit »
    J’espère que le sénateur le gardera en mémoire , comme une autre partie de l’humanité, quand il sera réfugié, voire isolé, dans les hôtels de 5 ou 6 étoiles…
    c’est ce que je lui souhaite, pour s’enrichir…

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  6. Bonjour,
    Excellent billet comme toujours, monsieur-le-retraité-pété-de-thunes… Ah, ces jeunes…
    Dites-moi, quelle ascencion sociale ! Invité – et guide – de notre bon sénateur ! Vous faites donc désormais partie du gratin de la Francitude chinoise ! Bravo pour lui avoir remis les pieds sur terre.
    J’aime beaucoup vos descritpions des différents milieux sociaux que vous avez la chance de fréquenter, toujours empreinte d’une tendre ironie.

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  7. L’aspect ‘mondialise’ de certains quartiers de Pekin me parait aussi ‘normal’ que le reste. Je trouverais meme ‘anormal’ que ces quartiers n’existent pas dans une grande capitale… mondiale.

    Sinon les alentours du Great Wall hotel, juste a cote du Landmark hotel si ma memoire est bonne, sont aussi connus pour la companie payante (et tres, tres chere) que l’on peut y renconter… 😉

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