On en a parlé en Europe, mais peut-être pas tant que ça, si j’en crois les journaux français. Samedi 20, il y a eu un tremblement de terre dans le Sichuan, la province de l’ouest, sur le Fleuve Bleu en amont des Trois Gorges. Aux dernières nouvelles, il n’y a « que » 200 morts, et quelques dizaines de milliers de familles n’ont plus de logement. Mais après la catastrophe du 12 mai 2008 à Wenchuan dans la même province, ça a été une grande émotion nationale. J’ai vu le tremblement de terre à la télévision.
Ce qui est remarquable, c’est que la nouvelle est passée tout de suite en images. La terre a tremblé à 8 heures 3 minutes. A 9 heures et demie on voyait déjà des images, pas grand-chose, un mur dont le parement en granit s’était effondré, et des gens dans les rues de Ya’an (1.5 millions d’habitants) qui racontaient comment ils étaient sortis de chez eux dès qu’ils avaient senti la secousse. Pour le tremblement de terre de 2008, si je me souviens bien, la nouvelle était passée tout de suite, mais la première image avait été le premier ministre Wen Jiabao dans son avion, des heures après.
La carte du Sichuan et une rue de Yan’an, au journal de midi. C’est ce que nous avons vu une heure et demie après.
Ensuite sont arrivées des images de caméras de surveillance qui montraient le tremblement, et des scènes d’évacuation de dortoirs (avec le décalage horaire, 8h c’est tôt le matin à l’ouest). Visiblement tout ce qui était disponible passait en continu sur les chaînes de la télévision nationale. Pas beaucoup de dégâts en ville, surtout des gens qui parlent. Plus tard sont arrivées les photos aériennes de la campagne, qui montraient des immeubles effondrés.
Des soldats interviennent dans un village. L’image vue dans la matinée de samedi a été reprise au journal du soir, avec le bilan à 19h.
Des agents de la protection civile arrivent avec un blessé à l’hôpital local de Lushan. Les images commencent à montrer quelque chose d’organisé. Dans la matinée, un reportage en direct dans la cour du même hôpital, affecté par le tremblement de terre, montrait les malades et les blessés sur des matelas par terre, abrités par des parasols, pendant qu’on construisait les premières tentes.
Image du journal de samedi 19h, vue à l’heure de midi. Des sauveteurs embarquent dans un avion cargo.
La petite fille née presque en direct dans la cour de l’hôpital. Dimanche, on nous la montre de nouveau, sous une tente à côté de sa maman.
L’image d’une petite fille sous les décombres, vue samedi après-midi, avec les sauveteurs qui déploient une grue pour la sortir. On la reverra à tous les journaux.
Image du front. Les agglomérations sinistrées (en bas, Lushan), et les routes obstruées par les éboulements. La chaîne information n’épargne rien, même si ceux qui ne connaissent pas les lieux ne peuvent rien y comprendre.
Lundi, comme dimanche, chaque séquence de météo de la chaîne informations commence par la situation et les prévisions sur les lieux (Lushan en haut, Ya’an troisième, Chengdu, la capitale, en bas). La météo de 19h30 de la première chaîne nationale commence par la situation sur le Sichuan.
Dimanche soir. La situation de l’information est complètement reprise en main. On nous montre les militaires et les sauveteurs qui s’affairent autour de montagnes de fournitures et de matériels. Ici des tentes et des couettes pour les sans-abri.
Journal de lundi soir. Plus rien à voir avec les témoignages en désordre de samedi. Le porte-parole de l’autorité agissante fait le point.
Dans la cour de l’hôpital sinistré, les salles de toile sont bien rangées, le personnel soignant s’affaire, on a tendu des banderolles. Le journaliste témoigne que tout va bien malgré les conditions difficiles.
Reportage sur un marché de plein air de la ville. On vient de nous montrer les légumes du jour sur les étals. Un jeune citoyen témoigne que tout va bien et chante une chanson.
Le premier ministre Li Keqiang dans son avion (à droite). L’image est passée au journal du soir de samedi, entièrement consacré au tremblement de terre, comme aussi celui de dimanche. Après le journal de dimanche soir, la première chaîne a présenté un enchaînement d’un quart d’heure d’images fixes émouvantes, exactement comme celles du grand tremblement de terre de 2008, comme si la chaîne avait profité de l’expérience pour faire plus tôt.
Dans la presse, Li Keqiang a droit à des séries de photos centrées sur lui au milieu des acteurs des secours (cliquer sur l’image pour voir celle du Quotidien du Peuple).
Hier lundi soir, le journal de 19h de CCTV1, celui qui est aussi diffusé par la 1e chaîne de chaque province, est redevenu « normal ». Pendant le premier quart d’heure on voit le président Xi Jinping recevoir le chef d’Etat du jour, et un congrès de cadres. Ensuite la situation dans le Sichuan et l’activité de l’autorité, huit minutes, puis presque autant pour le H7N9, la pneumonie des poulets qui se répand chez les humains, qui aurait été la catastrophe récurrente si le tremblement de terre n’était pas arrivé.
Aujourd’hui mardi matin, le présentateur de la chaîne nationale d’information continue lance la séquence « Sichuan » sur un fond héroïque, déjà en place lundi: la carte de la province et l’épicentre du séisme, un peloton de soldats dans la montagne en direction d’un village encore isolé, l’hélicoptère qu’on verra tout-à-l’heure livrer des cartons de nourriture. Un reportage montre des villageois devant leur maison effondrée, regardant les soldats qui montent une grande tente bleue dans leur cour et dégagent les sacs d’aliments du bétail d’un hangar en ruine. Ca veut probablement dire qu’ils ont passé trois jours isolés avant que les secours arrivent avec une caméra.
Comme je le souligne, j’ai vraiment l’impression que les journalistes ont travaillé comme ils voulaient pendant la première journée, avant de revenir dans la ligne « On montre le malheur et en même temps l’efficacité de l’autorité qui y remédie » (valable aussi pour les crimes et délits; on développe quand on dispose de la confession du coupable arrêté). Je simplifie. En 2008 c’était bien plus difficile dans une région vraiment ravagée, alors que le symbole de l’information à Ya’an est la journaliste qui allait se marier, et est sortie grande robe blanche pour interroger en direct les gens dans la rue (video à voir sur L’empire Weibo, le blog des journalistes du Monde qui suivent la Chine sur place et depuis Paris).
Pour donner une meilleure idée de ce que la télévision a montré le premier jour, vous pouvez regarder ces vidéos sur Youku (pas de sous-titres, mais les images suffisent).
Vues aériennes, diffusé samedi à 13h.
Une cour d’immeuble à 8h. Vu 4 millions de fois.
La géographie des lieux. Vu 2.5 millions de fois.
Montage de vues de la première minute, télévision et video d’amateurs.
Montage d’images de la matinée, avec la naissance du bébé.
Autre montage d’images émouvantes, fixes et animées. Enchaînement automatique vers d’autres séries.
La petite fille dans les décombres.
Pour connaître le succès de chaque video, regarder en bas à gauche de l’image. Le chiffre est en dizaines de milliers de vues.
La dénomination officielle de l’évènement, qu’on voit sur les images:
Sichuan Ya’an Lushan xian 7.0ji dizhen. Quatre rivières (la province) Elégante paix (la préfecture) Roseaux montagne (le chef-lieu de canton) canton, 7.0, degré, terre, trembler.
Les photos, ont été prises sur l’écran du téléviseur de la maison, marque chinoise, qui ne marche plus très bien. 6 ans d’age, obsolescence programmée. Son prédécesseur, tombé en panne juste après que je sois arrivé, avait duré 17 ans; fabrication japonaise. La première image a été prise chez mon beau-père, pendant le déjeuner de famille. On s’est d’abord émus puis on a parlé d’autre chose.
Merci pour cet utile reportage.
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Le Boston Globe a consacré un cahier photo au tremblement de terre :
http://www.boston.com/bigpicture/2013/04/china_earthquake_sichuan_provi_1.html
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