Rentrée des classes

Banderole et panneaux, et ballons porteurs de devises comme devant un grand magasin d’électro-ménager. C’est aujourd’hui la rentrée des étudiants de première année à l’université des langues étrangères de Tianjin.

Le vestibule du grand bâtiment des cours, avec son sceau en marqueterie de pierres dures presque digne de la CIA (la pendule est au fronton du bâtiment des années 1920 construit par les pères jésuites, c’était l’école de commerce) est plein d’animation. L’université reçoit ses étudiants de première année. Ceux de troisième et de quatrième année sont déjà rentrés depuis lundi. Et ils se sont dévoués pour accueillir, depuis 6h 30 ce matin, les nouveaux, leur faire compléter et signer la liste des inscrits, leur distribuer les manuels du nouvel étudiant, et les relâcher dans le campus avec leur petit livret. Tout ce qui a une importance pour quelqu’un en Chine prend la forme d’un livret; la naissance, le mariage (couleur rouge), le divorce (couleur bleue), l’embauche (couleur rouge chinois), la résidence (le fameux Hukou, couleur brune).

Le livret d’étudiant est brun aussi, et de tout petit format. Au premier plan, une des pages du tableau des effectifs du département d’anglais.

Voici trois des volontaires à la table de l’anglais.

Et voici la table du françaisfayu, lois langue.

La table du département des langues européennes: russe, français, allemand, espagnol, italien, portugais.

Pour donner une idée de la proportion, voici la table du département d’anglais (il est midi, presque tout le monde est passé).

Et voici la table du département de japonais riyu (prononcer d’ju yu) soleil langue, le Japon s’appelleriben, soleil racine (soleil levant). Pas moyen de se tromper. Il y a beaucoup de Japonais parmi les étudiants étrangers, tout est pour le mieux.

A la table du département des langues asiatiques (comme tout le monde le sait sauf en Europe, le Japon n’est pas en Asie, il est au Japon), j’aperçois l’arabe, le coréen, et le siwaxili yu. le swahili, parlé en Afrique orientale, la plus proche de l’Asie (l’équivalent pour l’Afrique occidentale, c’est le français). On m’indique qu’il y a une nouvelle langue cette année, l’indonésienyinni yu. Je l’ai ratée.

Vendredi, j’étais passé devant le bâtiment des étudiants internationaux au moment où on disposait les drapeaux  de l’accueil sur les marches de la grande entrée.

Quelques heures après, quelqu’un avait expliqué qu’on ne dispose pas les pavillons nationaux comme du linge à sécher, même si ça les rend plus lisibles. Le bâtiment des étudiants internationaux est le plus neuf du campus (terminé en 2011). On n’y loge pas par 4 ou 6 ou 8 comme dans les dortoirs des étudiants chinois, et on paie dix fois plus cher, ce qui enrichit l’université. En bas, le grand vestibule est digne du lobby d’un hôtel de bonne catégorie; il y a un petit supermarché où les choses sont plus chères qu’au supermarché du campus (qui est d’esprit très chinois; il est prévu de le moderniser). Avant, les étudiants internationaux étaient logés (pas très bien) dans l’enclos des experts étrangers (avec muraille, corps de garde, inscription des visiteurs, supermarché et restaurant pour ne pas avoir à sortir; jusqu’au milieu des années 1990, les étrangers étaient couvés et surveillés; c’est fini).

La moitié nord du campus, avec le bâtiment d’origine, la bibliothèque, et les étudiants qui vont vers la cantine; vu du 11e niveau du grand bâtiment ses cours.

Et moi, pourquoi suis-je à l’université le jour de la rentrée (et même depuis lundi) ? Parce que je fais partie des enseignants; j’ai même été invité à la réunion de rentrée du département de français. Comme en 2011, le professeur « locuteur natif » ne peut pas être là avant octobre. J’assure donc le remplacement. Officiellement cette fois, et avec un contrat, au lieu faire croire à l’administration que je suis le vrai. Pour les cours de « compréhension orale et audiovisuelle », j’ai repris la recette de 2011 (ceux que ça intéresse liront l’article). Une chanson, écoutée plusieurs fois, sans le texte puis avec le texte, avec plus d’un interprète pour ne pas se laisser endormir. Cette année j’utilise des videos de Youtube qui s’est bien enrichi depuis deux ans.

Valeur éternelle: Edith Piaf et ses textes faits de lieux communs de la langue française, transportés par l’émotion (« Je repars à zéro … Non, rien de rien … »). Le repos de l’enseignant: Françoise Hardy (« Oui mais moi, je vais seule, car personne ne m’aime … »). Les étudiants de troisième année n’ont pas compris grand-chose à la première audition. A la troisième, avec le texte sous les yeux, elles chantaient elles aussi (je dis « elles » parce que sur les 18 étudiants du premier groupe, il y a deux garçons; le deuxième groupe, pareil). J’ai essayé avec la même méthode « Papaoutai » de Stromae, le tube de l’été. Là ça a moins bien marché. (le clip, les paroles, en public). Un jeune homme qui cherche son papa irresponsable, c’est bien plus loin de leurs préoccupations. Je débute.

Les quatrième année ont eu droit à un texte authentique en français contemporain. Ils ont suivi et ça leur a plu.

J’ai eu l’impression que le sixième stéréotype n’avait pas été bien compris à la première audition. Du coup, j’avais préparé « Annie aime les sucettes » sans et avec Gainsbourg mais je le donnerai d’abord aux étudiants de maîtrise.

S’il n’y avait qu’à faire écouter des choses diverses, ce serait assez reposant. Mais on attend du professeur locuteur natif un savoir universel (aussi bien, il est le seul non-Chinois du département). Donc le programme dit, pour les étudiants de maîtrise 1:

Lecture en français supérieur (littérature française)
Histoire contemporaine de la France (depuis 1789)

Et pour la maîtrise 2:

Politique française (histoire contemporaine de l’idéologie occidentale, constitution française, partis politiques français, géopolitique.)

J’aime beaucoup l’expression « Idéologie occidentale ». En attendant de me mettre d’accord avec le professeur titulaire (un diplômé de Sciences-Po, déjà passé par les organismes supra-nationaux, nettement plus qualifié que moi), je vais commencer par la découverte de Tcheng Kitong, le premier écrivain chinois en français, et le survol de l’histoire de France avant 1789 (de Jules César à Louis XVI en 1h40, tout est possible). Pour l’idéologie occidentale, je ne sais pas encore. Peut-être un cours sur la Genèse (Alors Dieu dit « Que la lumière soit », et la lumière fut. « Croissez et multipliez, emplissez la Terre et soumettez la. »). Les penseurs de la réforme chinoise de 1898 (ceux que la méchante impératrice Tseu-Hi a exterminés) croyaient que c’était le secret de la supériorité occidentale de l’époque.

 

Un commentaire sur “Rentrée des classes

  1. Bonjour

    Impressionnnant le « voyage » chez …Wikipédia. Merci.
    (toujours pas de possibilités de commentaires ?)

    Merci aussi. pour « le rire jaune » !
    J’attendrai avec grand plaisir l’accord sur l’expression « ‘idéologie occidentale »

    Bonne rentrée

    J’aime

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