Comme tout le monde le sait, le Parti communiste chinois vient de se réunir à Pékin pour discuter de l’avenir du pays et choisir les dirigeants pour les cinq ou dix prochaines années (le congrès se réunit tous les cinq ans). Le premier secrétaire Hu Jintao, dans le discours d’ouverture, a parlé de la corruption. Au même moment ou presque, je parlais avec un ami chinois d’un autre ami français installé à Pékin, qui est homme d’affaires. « En ce moment, il importe du vin français. Il le vend en quantité à des institutions officielles et pour les banquets du Parti. Ca marche bien, mais il est obligé de faire de la surfacturation. » Et puis je me dis que mon ami chinois ne connaît peut-être pas le mot surfacturation. « Oui, c’est la première fois que j’entends ce mot, mais avec le contexte j’ai tout de suite traduit. » En ce moment l’air est transparent et le ciel bleu, grâce aux grosses pluies et au grand vent qui le nettoient.
Je suis en train de lire en même temps trois livres : « La philosophie du porc », recueil de textes d’un moraliste qui a reçu le prix Nobel de la paix en 2010 et que le Parti redoute tellement que je n’écris pas son nom dans le texte, de peur de déclencher les machines qui surveillent l’Internet extérieur. Il pense que les dirigeants actuels, qui sont incapables d’imaginer que les citoyens ont le droit de se diriger eux-mêmes, ne pensent qu’à s’enrichir, et que la pourriture s’étend ainsi à tous ceux qui ont une petite part des bénéfices du pouvoir. Son style est très agaçant, mais il faut le lire.
Le second livre est « La voie chinoise, capitalisme et empire ». Michel Aglietta est un économiste qui étudie la Chine depuis des années. Son employeur est une banque. Bai Guo Bai travaille pour l’ambassade de France à Pékin. Ils expliquent comment la Chine a avancé et prospéré à sa manière, sans lois ni morale, avec des règles qui maintiennent l’équilibre: « … la corruption est un élément clé de la gestion des règles du jeu édictées par le Parti. » Ce sont ceux qui en abusent au point de se construire un pouvoir personnel qui doivent être punis. Le simple cadre a droit à des rémunérations en plus de son salaire. Comme au temps de l’Inde socialiste, où on expliquait qu’il est difficile d’empêcher les fonctionnaires qui distribuent les permis de s’enrichir (les licences pour faire des affaire) de prendre leur petite part. Quant au peuple, le premier chapitre explique que la construction actuelle est exactement conforme à l’idée de l’Etat et du souverain au temps des empereurs et même avant. Le souverain veille sur le bonheur des Cent Familles (tout le peuple, mais il n’existe pas d’individu, seulement des familles) , et reste en place tant qu’elles sont heureuses. Il n’y a pas d’autre pouvoir que le souverain.
Le troisième livre est écrit par un journaliste anglo-saxon, Richard McGregor, un de ces hommes qui ont le secret de se faire raconter ce que chacun a envie de raconter sur lui-même et sur les autres. Il a donc rencontré des cadres du Parti qui dépensent cent fois plus que leur traitement, et des hommes d’affaires qui sont membres du Parti pour être à la tête du groupe qui surveille leur entreprise. Comme dit l’auteur, tout ça est difficile à accorder avec le spectacle d’une ville chinoise moderne. Dommage que le livre ne soit pas encore traduit en français. Une nouvelle édition est prévue pour le début de 2013, mise à jour après le congrès.
Si on lit ces livres et si on consulte la presse officielle, on s’aperçoit que les journaux parlent de la même chose, simplement sur un ton différent. J’ai aussi acheté à la grande librairie près de chez nous « Why and How the CPC works in China », qui explique les causes du succès du Parti à toutes les époques de son histoire, édité par la New World Press de Pékin. Mais ce que j’écris est un peu trop simple. Je vais continuer à lire. Et maintenant que j’ai une liseuse (e-book reader en français), c’est très facile. J’ai acheté ces livres sur Amazon en français, j’ai payé avec ma carte bancaire française, et les livres sont arrivés par Internet, que je sois en Chine ou virtuellement aux Etats-Unis ou à Hongkong . Quelqu’un qui a une carte bancaire chinoise peut acheter sur Amazon en chinois, mais il n’y a pas tout, alors que presque tout ce qui est sur l’Amazon américain (où on paie avec une carte américaine) est proposé aussi en Europe. (je suis fâché avec la FNAC, il faudra que je raconte une autre fois).
Le panneau d’affichage du terminal 3 de l’aéroport de Pékin. En bas à gauche l’avion d’Air China, CA934, from Paris, attendu à l’heure. On peut voir que les avions de Hongkong viennent de l’étranger.
Mais ce n’est pas pour le congrès du Parti que mes frères et soeurs sont venus me voir en Chine. Donc je reprends ce que j’avais commencé il y a quelques jours.
C’est une grande angoisse d’organiser un voyage pour les frères et soeurs. D’abord il n’y a aucune indulgence à attendre de gens qui vous connaissent aussi bien. Ensuite il faut assembler des espérances contradictoires: profiter de l’accueil de quelqu’un qui vit sur place (ce qui permet d’accéder à des merveilles inaccessibles, par exemple prendre l’autobus à Pékin), goûter à la vie mystérieuse des gens de la Nation Centrale (avec l’aide de celui qui vit sur place), voir des choses intéressantes, et aussi se transformer au retour en gens qui sont allés en Chine. Ce dernier point est « incontournable » comme disent les guides touristiques. Or pour faire croire aux amis et connaissances qu’on y est allé, il faut pouvoir affirmer qu’on a vu ce qui doit avoir été vu, donc la Cité Interdite et le Temple du Ciel à Pékin, la Grande Muraille, l’armée de l’Empereur à Xi-an, les rizières en terrasses dans la province des Minorités, la rivière entre les montagnes de Guilin, et Hong-Kong, l’autre Chine. La liste pourrait être plus longue mais la vie est courte et les amis comprendront qu’on n’ait pas vu aussi la façade sur la rivière de Shanghai et les Montagnes Jaunes des peintures chinoises. A noter que Tianjin ne répond pas au besoin; personne en France ne sait que cette ville existe, à part ceux qui y ont de la famille, et son rendement touristique est donc nul.
Il faut faire tout cela en deux semaines et sans se fatiguer complètement, parce que le vie normale reprend aussitôt après, et ils ne sont pas en retraite comme moi.
Il y a aussi un problème d’effectifs. Même si tout le monde n’a pas pu venir, nous sommes six en me comptant, ce qui constitue un « groupe » pour les hôtels et les transports aériens; on ne peut plus réserver sans passer par un professionnel, au risque de ne pas pouvoir rester ensemble. Donc c’est moi qui organise les premiers jours à Pékin et Tianjin, puis je les laisse partir à l’aventure sous la garde de la meilleure agence de voyage pour cela. C’est « La Maison de la Chine », place Saint-Sulpice à Paris, où les dames du comptoir à Paris parlent chinois, et leurs correspondantes en Chine parlent français (publicité gratuite).
Premier raté dans ma carrière de guide de groupe, le taxi arnaqueur. Nous avions pris l’Airport Express, le métro aérien qui relie l’aéroport à Dongzhimen, la porte de la ville intérieure. On survole pendant vingt minutes un paysage qui ne ressemble pas du tout à l’image du Pékin millénaire. Mais à l’arrivée, les taxis ne voulaient pas charger au compteur des étrangers vulnérables et chargés de bagages. Ils voulaient faire payer dix fois le prix la course vers l’hôtel (10 yuans, la plus petite course). Comme la fatigue se faisait sentir, j’ai transigé à cinq fois le prix. Mais devant l’hôtel le chauffeur du taxi où j’étais, déjà inquiet parce que je lui avais montré le chemin, m’a vu photographier sa plaque, et il a bruyamment refusé les cinquante yuans, demandant seulement les dix yuans du tarif normal. L’autre chauffeur a eu ses cinquante yuans. Il aurait fallu sortir du métro par le sud-est, où les taxi prennent les gens vers l’extérieur de la ville et n’espèrent pas des voyageurs qui viennent de débarquer. Et moi qui venais de dire que les chauffeurs de taxi de Pékin sont généralement honnêtes. (regarder à l’avant, du côté du passager; il y a un carton avec le portrait du chauffeur, son nom, et son numéro professionnel; si le carton n’est pas là, c’est un fraudeur ) .

Le temple des Lamas était prévu pour le premier après-midi mais il était trop tard. Nous sommes allés au temple de Confucius qui est tout près et reste ouvert tard. Ce cyprès est à droite du sanctuaire. Le temple n’a pas de dévots, et les guides touristiques n’en parlent qu’en passant. On peut essayer de jouer la musique pour les ancêtres sur la gamme de pierres sonores. Pas de musiciens ce soir-là. Il faudrait revenir un jour où ils jouent, mais on ne reviendra pas, le voyage est trop court. Et puis les voyageurs qui se reposent sous le cyprès viennent de passer un jour entier dans les transports en commun.
Premier contact avec le peuple chinois rassemblé, au milieu des pèlerins du Temple des lamas. Tout le monde sauf nous arrive avec un fagot de bâtons d’encens.
Une de mes soeurs voit un pêlerin mettre le feu au dos de sa voisine de devant en s’inclinant avec les bâtons d’encens dans les mains. Je suis content de montrer que la religion va bien en Chine. J’aurais préféré la grand-messa à la cathédrale de Tianjin, mais pas moyen d’y être le dimanche à cause du calendrier.
Je guide les visiteurs un peu abasourdis vers un endroit plus calme, la salle des Dalaï-lama à droite dans la dernière cour. Autrefois c’était le mémorial des treize Grands Lamas (l’actuel est le quatorzième), avec des portraits et des objets personnels, et les légendes écrites à la main sur des étiquettes d’écolier d’il y a cinquante ans. Maintenant c’est le musée à la gloire de l’Empire chinois gardien du Tibet. La vitrine centrale montre l’urne qui sert à tirer au sort parmi les noms des enfants qui sont peut-être la réincarnation du Grand Lama. L’étiquette indique que c’est une reproduction. L’original n’a peut-être jamais existé, mais l’important est de démontrer que c’est l’empereur de Chine qui proclame le nom du nouveau Dalaï-lama. Chaque fois que je fais visiter l’endroit, j’aime raconter à nouveau cette histoire, et il n’y a pas de raison que mes frères et soeurs y échappent.
Ca y est, nous sommes dans la Cité Interdite, après avoir remonté la place de la Porte de la paix du ciel (Tian an men) depuis le métro Qianmen au sud. Inquiétude sur l’horaire. Quand j’avais guidé mon ami Patrick, nous avions mis tout un après-midi pour arriver à la porte de la Cité Interdite; il y avait trop de choses intéressantes sur le chemin, et à l’arrivée le guichet des billets venait de fermer. Cette fois nous avons eu le temps de parcourir l’axe des grandes cours minérales et leurs hangars sublimes, déjeuner au restaurant près de la salle des horloges (une très bonne escale pour le visiteur, qui peut se reposer du soleil et de la foule des grandes cours, et admirer le plafond, après avoir regretté de ne pas pouvoir entrer dans les grandes salles impériales). J’emmène mon groupe à travers les portes et les couloirs des résidences des impératrices et des concubines (c’est à l’ouest, à gauche de l’axe nord-sud), histoire de faire goûter l’air étouffant, même à l’air libre, même là où il y a des arbres, de ces endroits où on ne voit rien, enfermé entre les murs. Je perds, une fois de plus, le chemin qui mène à la chambre d’enfants de Pu Yi, le dernier empereur, où on voit son cheval à bascule et le bateau miniature offert par l’ambassadeur de Grande-Bretagne. Je les ai vus il y a des années et je finis par croire que c’était un rêve.
Indispensable étape suivante: monter la colline au nord de la Cité Interdite, pour la contempler de haut. Je calcule que nous avons le temps de redescendre, et de prendre l’autobus qui nous conduira à Qianmen, où commence la grande rue qui vient d’être reconstruite comme elle aurait dû être en 1900, y compris le restaurant de canard laqué cité dans le guide (double bénéfice: c’est très bon, et on peut dire ensuite qu’on y a dîné). Mais j’ai la mauvaise idée de faire redescendre mes visiteurs par l’ouest, côté ensoleillé, ce qui oblige à traverser tout le jardin public de Jinshan qui entoure la colline. Et quoi de plus attirant qu’un jardin public de Pékin le soir, avec les rayons de soleil entre les arbres, les gens qui chantent et font de la musique. Nous rencontrons un retraité qui a travaillé à Paris au temps de Mao et de Deng xiaoping comme représentant de l’industrie chinoise. Donc il fait presque nuit quand nous sortons du jardin, je me trompe d’autobus et les voyageurs tiennent conseil pour choisir comment les étrangers pourront rejoindre le bon autobus et atteindre leur but. Dans la grande rue de Qianmen, le restaurant Quanjude est complet depuis longtemps. Nous mangerons un peu plus loin dans un restaurant pour touristes chinois, dont le canard laqué vient de chez un confrère. C’est bon mais anonyme.
Le lendemain, le programme prévoit de traverser la ville pour aller au Palais d’Eté, celui que a méchante impératrice Tseu Hi des 55 jours de Pékin (Cixi dans les livres modernes) avait reconstruit pour ses plaisirs, pas celui que les Anglais et les Français ont incendié en 1860 (j’y passerais des jours entiers dans les jardins et les ruines, mais ce serait trop long). Ensuite retraverser la ville pour visiter le Temple du Ciel, en sortir au coucher du soleil, passer à l’hôtel reprendre les bagages, aller à la gare sud prendre le train rapide pour Tianjin, s’installer à l’hôtel, prendre le métro, et dîner dans notre appartement où ma chère épouse, qui n’a jamais reçu autant de monde à table chez elle (normalement, on va ensemble au restaurant), se tient prête à mettre les jiaozi (raviolis) dans l’eau bouillante. Les jiaozi sont la providence du dîner à heure incertaine. On met très longtemps à les préparer, et ils sont prêts à servir en quelques minutes. Exactement le contraire d’un gigot au four. Aussi bien, il n’y a pas de four dans une cuisine chinoise. J’ai quand même l’impression que nous en faisons trop, et qu’il va arriver quelque chose. Et voila que ma soeur numéro un égare son passeport entre l’hôtel et la gare sud de Pékin. Ce qui va compliquer la suite du voyage. J’en parlerai tout à l’heure.
Dans le programme obligé du voyageur en Chine, il y a la Grande Muraille. Et j’avais envie de faire un tour à la campagne. Justine, professeur de français qui m’emploie comme consultant en langue et civilisation française, est amie avec le patron d’un gîte rural à Jixian, près de la montagne au nord de la municipalité de Tianjin. Et dans la montagne, il y a la passe des Falaises Jaunes, Huanghaiguan, un des points de la Grande Muraille aménagés pour la visite.

La Grande Muraille va buter sur la falaise. Plus bas elle barre la vallée et la grande route. D’autres images dans un vieil article.
Le patron du gîte rural est un agriculteur qui a compris que l’avenir de son village n’est pas seulement dans les épis de maïs et les kaki séchés. Avec la montagne derrière les maisons, un morceau de la Grande muraille tout près, et une grande ville à deux heures de route, où les familles découvrent le départ en week-end, il y a quelque chose à faire.

Nous avons donc monté une promenade à la campagne. Le patron vient nous chercher à l’hôtel avec son minibus, nous partons à huit avec Justine dans le rôle de l’interprète, il nous fait visiter Dongling, les Tombeaux de l’Est où sont enterrés la moitié des empereurs Qing, y compris la méchante Tseu-Hi des 55 jours de Pékin (Cixi dans les livres modernes), nous dînons et dormons dans son gîte, et le lendemain matin nos escaladons la Grande Muraille.
Là j’ai fait une erreur de raisonnement, qui montre que je suis depuis trop longtemps en Chine (non pas que je sois devenu Chinois, c’est impossible). Le gîte a tout le confort de la ville auquel je suis habitué (ici une grande chambre avec les couettes d’été pliées à la tête du lit, et des matelas un peu durs).
Les toilettes de la chambre sont exactement comme la salle de bains de notre appartement (nous avons une douche téléphone au lieu de la pomme douche au mur), avec le chauffe-eau électrique au plafond. Mais pour un Occidental pas entraîné c’est un peu difficile.
Et le lendemain au petit déjeuner, il ne manque rien: bouillie de semoule de maïs, galettes à l’oeuf, légumes salés (au premier plan), oeufs durs cuits dans un bouillon parfumé, et tofu fermenté (les petits cubes roses, goût aussi relevé et fin qu’un roquefort), mais pas de pain et pas de thé ou de café, on n’en prend pas au petit-déjeuner. Tout ce que la cuisine pourrait offrir c’est de l’eau chaude.
(C’est d’une grande hypocrisie; à la maison je petit-déjeune avec thé vert, tartines de pain de mie grillé et confiture, yaourt nature; ma chère épouse est déja à la cantine avec ses collègues de travail, en train de manger le premier repas de la journée; il n’y a que les jours où elle ne travaille pas que je mange chinois.) Tout se passe bien quand même et les voyageurs sont contents de leur plongée dans la vie normale. Voici l’enseigne du gîte
fu yunda nongjiayuan ; bonheur, atteindre, campagne famille hôtel ; et le numéro de téléphone du patron (shouji, portable).
Le patron nous conduit en minibus de la Grande Muraille directement à l’aéroport de Pékin, non pas pour prendre l’avion, mais pour utiliser les transports en commun et atteindre l’hôtel stratégiquement placé au centre de la ville, sans l’autoroute, le boulevard périphérique, et les rues qui sont plus compliquées pour le conducteur qu’une route de campagne. Dans le parking, je dois faire face à un désaccord avec la vision du monde du groupe. Dans un aéroport habituel, on prend un chariot à bagages et on se dirige vers l’ascenseur pour atteindre l’étage des départs (ou des arrivées). Mais le parking du somptueux terminal 3 de Pékin est sous un beau jardin, suivi de la station de métro sous un dôme harmonieux, qu’une douve profonde où sont les autobus et les taxis sépare du hall principal. Ce hall continue vers le nord sur deux kilomètres jusqu’aux salles d’embarquement internationales. Ce bâtiment a été décidé par des gens qui vont en limousine jusqu’à la passerelle de l’avion. Revenons au sujet: ma famille a longuement cherché l’ascenseur avant d’accepter de progresser horizontalement dans la pénombre.
Après l’escalade de la Grande Muraille tôt le matin, le métro perd son charme. Dans la gare des taxis, nous apercevons de grands minibus qui attendent les gens importants. Je consulte l’agent qui gère les queues de gens chargés de bagages. C’est un prix au forfait selon l’hôtel. C’est ainsi que nous avons terminé la route dans un carrosse moelleux pour douze Occidentaux de grande taille, après le minibus pour huit petits Chinois. Le chauffeur nous arrête devant l’entrée de l’hôtel, il les connaît tous. Le confort pour les voyageurs fastueux a aussi du bon (c’est presque aussi cher que les deux taxis qu’il aurait fallu pour aller de Roissy au centre de Paris).
La journée est consacrée à la ville de Pékin, avant que mes voyageurs repartent, guidés par la Maison de la Chine, vers Xi’an et les guerriers de l’empereur, la rivière de Guilin, les pains de sucre dans la campagne de Yangshuo, les rizières en terrasse de Longji, et la route entre Ping an et Sanjiang qu’on peut même faire en vélo; le pays où le rêve de prospérité touristique du patron de Jixian est une réalité. Nous les croiserons à Hongkong, pendant notre voyage de la semaine d’or.
L’image est tirée d’un livre de dessins, dans le style des peintures à l’encre traditionnelle, mais à l’aquarelle. C’est mon beau-frère Dominique, aquarelliste, qui l’a trouvé dans une librairie. Nous sommes allés dans la rue des marchands de papier et de pinceaux (entre la Cité Interdite et le nord de Wangfujing). Les femmes nous ont suivi, mais c’est plus loin qu’elles ont trouvé leur bonheur. (Wangfujing ressemble aux Champs-Elysées qui seraient devenus rue piétonne, et sans l’Arc de Triomphe).
La Chine est donc un pays moderne. Elles ont pu manger une vraie glace Haagen-Dasz. La petite chose jaune au centre de la vitrine est une chaussure.
J’ai essayé de les intéresser à l’effort que fait la municipalité pour élever le moral de son peuple (c’est une affiche lumineuse dans le métro; il y a la même chose partout dans la ville). Le peuple trouve ça inepte mais est indulgent pour les hauts cadres obligés de s’agiter pour prouver qu’ils font quelque chose. Mes soeurs n’ont pas fait attention.
Pendant ce temps-là, ma soeur Marie était à l’ambassade de France, au service des Français, pour se faire faire un passeport instantané. Il suffit d’une demie heure, sur rendez-vous, à condition d’apporter les photos. Mais auparavant il faut avoir déclaré la perte aux services de la Sécurité publique, et ensuite il faut porter le passeport neuf au service des entrées-sorties pour qu’ils y collent un nouveau visa, et attendre cinq jours pour le retirer en personne. Ma chère épouse avait mis en oeuvre son guanxi de fonctionnaire pour que ce soit fait à Tianjin et sans délais, mais il aurait fallu commencer par mentir en disant que le passeport avait été perdu à Tianjin, alors que c’était le bureau de sécurité de la gare sud de Pékin qui avait permis d’acheter un billet sans présenter une pièce d’identité. Peut-on faire confiance au désordre administratif ? Je pense que oui, mais ce n’est pas certain. Je lui explique que ça n’aurait pas changé grand-chose. Ma soeur va donc visiter Pékin et rejoindra le groupe plus tard.
Nous sommes allés la rejoindre à Pékin dimanche. Ce plat est un
songshuyu ; écureuil-poisson. Le poisson ouvert est finement découpé, puis retourné, sa peau à l’intérieur, et cuit avec du caramel. C’est très bon mais ça ne remplace pas Xi’an.

Ce billet est un dollar de Hongkong. Une monnaie de plus pour les voyageurs. Le dollar vaut exactement un dixième d’euro, ça simplifie les raisonnements (avec un euro, on n’a plus que 8 yuans). L’animal est un lion britannique. Le lion chinois a des bouclettes dans sa crinière.
Hongkong est une des lieux où il faut être allé, et où la prescription touristique est très rigureuse. Il faut traverser la baie dans le vrai ferry (on peut aussi prendre le métro, mais quel intérêt ?). Ensuite on doit monter au sommet du pic Victoria par le cable-car.
Le pic Victoria derrière le front de la cité de Hongkong, tôt le matin. Devant les tours, les embarcadères.
Tout c’est bien passé. Les chemins favorables et les autobus se sont présentés spontanément au bon moment. Même en ayant marché des kilomètres sur des passerelles climatisées qui survolent les rues, et à travers des centres commerciaux réfrigérés, nous étions de retour à l’embarcadère plus tôt que prévu. Pourquoi ne pas aller en bateau à Lantau, l’île qui abrite la baie de Hongkong à l’ouest.

S’il n’y avait pas la montagne verdoyante, on se croirait à Carnac à la fin du mois d’aout. Encore une occasion de citer la parole de l’empereur Qianlong au premier ambassadeur anglais « Ici, nous avons tout. » (quarante ans après, les Anglais louaient l’île de Hongkong à perpétuité; ils ont fait semblant de la rendre il y a quinze ans, mais ils y sont encore, et gâchent la vie au Parti par le mauvais exemple qu’ils ont donné).
Le guide dit que, le soir, on doit aller dîner au sommet d’un grand immeuble et jouir de la vue sur la baie illuminée. C’est le premier jour à Hongkong pour tout le monde et nous ne connaissons aucune adresse. Nous remontons Nathan Road depuis l’embarcadère. Cette fois aussi, le lieu se présente spontanément à gauche de l’avenue. C’est un grand immeuble de trente étages rempli de restaurants et de lieux de plaisir, avec un Gymnase club aux environs du vingtième, et des queues indéfinies pour entrer dans les ascenseurs. Nous en prenons un au hasard qui va directement aux restaurants du sommet. La porte s’ouvre sur un banquet de mariage. Nous continuons.
Le restaurant ne nous convient pas. Pénombre, vins français, et carte avec beaucoup de chiffres. Mais la galerie où on attend d’être placé offre des canapés profonds et des cocktails aux fruits (qui coûtent le prix d’un bon repas en bas, pourtant ma chère épouse, d’habitude si inquiète quand il s’agit de dépenser une petite somme, n’y pense pas). Et à 20 heures exactement, le jeu de lumières de la ville de Hongkong commence, comme dans le guide, avec la musique du spectacle diffusée dans la galerie. J’ai retrouvé le nom de l’immeuble, The One.
Le lendemain matin, on se sépare à l’hôtel. Eux vers Paris, nous vers Macao et Xiamen. Mon épouse contemple lord Baden Powell, l’hôtel BP abrite le siège des Boy-Scout de Hong Kong. Pour mes frères et soeur, le pays où vit leur frères n’est plus complètement imaginaire.