Concert du nouvel an

xin nian kuai le ; nouvelle année vite joie.

Je viens de consulter mes informateurs. D’après eux, il y a dix ans (ils étaient au collège), on ne savait que vaguement ce qu’était le Nouvel an, à part que le numéro de l’année changeait. Il y a six ans (je venais d’arriver en Chine), j’avais vu les têtes de Santa Claus et, pas souvent, quelque chose comme New Year sur des vitrines. Et il y avait à la télévision le discours du Président qui énumérait toutes les institutions du pays avant de dire quelques mots aimables sur les accomplissements de l’année finissante. Moi qui suis assez vieux pour avoir entendu le général de Gaulle annoncer dans l’enthousiasme : « Certes, ne nous vantons pas ! mais ne soyons pas non plus injustes envers nous-mêmes. car le bilan est positif.  Pendant ces douze mois, la France a continué de monter. En 1963,  il nous est né environ neuf cent mille bébés. …  on peut penser que, parmi les enfants qui sont venus récemment au monde, beaucoup verront un jour une France de cent millions d’habitants. … Jamais nous n’avons ni produit ni gagné autant … « ,  je trouvais qu’il aurait pu en faire plus. (Non, ce n’est pas ma mémoire d’éléphant. J’ai retrouvé le texte sur internet dans un fichier du moulin à paroles de l’université de Créteil. )

Cette année, et l’année dernière aussi, le Nouvel an a été une affaire sérieuse. D’abord il y a eu trois jours de congés pour beaucoup de gens. Mon amie Justine est partie en voyage à Hong Kong avec son époux et ses beaux-parents, remplissant ainsi l’objectif officiel d’augmentation de la consommation de loisirs. Ma chère épouse et mois sommes restés à la maison, et nous avons écouté le soir du 1e janvier concert du Nouvel an de l’orchestre philharmonique de Vienne.

Onze heures un quart à Vienne, c’est six heures un quart du soir à Pékin. Le concert passe sur la 15e chaîne, musicale, de la télévision centrale CCTV. En France, je ne faisais pas attention à ce concert de midi, je me demande même si je ne l’ai pas découvert en Chine. Les anciens concerts sont souvent rediffusés, et on les trouve en DVD, plus cher qu’un film.

Pourquoi faut-il que ce lieu exotique et cette solennité d’un autre monde intéresse autant de gens ici ? En fait, la musique classique occidentale a un prestige énorme. Je pourrais aller à un concert plusieurs fois par semaine, à condition d’acheter les billets à temps.

Le violoniste doré sur l’écran est Johann Strauss le jeune, la statue dont l’original est au Stadtpark de Vienne. J’en connais quatre exemplaires à Tianjin, et j’en ai vu d’autres un peu partout.

La télévision transmet le concert en direct dans le cadre d’une grande soirée et banquet troisième âge. Le monsieur au premier plan est en uniforme de haut cadre civil (cravate rouge). On nous montre les longues tables fleuries et couvertes d’assiettes et de verres. Quand le concert sur l’écran géant s’interrompt, des chanteuses et des danseuses montent sur la scène.

A sept heures, pendant l’entracte, nous regardons le premier quart d’heure du journal national, qui montre les hauts dirigeants dans l’exercice de leurs fonctions. Voici Hu Jintao, le président bientôt en retraite, et Xi Jinping, le premier secrétaire du Parti et bientôt président, entrant dans la salle du banquet du Nouvel An. Le commentateur prononce de sa meilleure voix les noms des grands hommes qui passent devant la caméra. Dans d’autres cérémonies, c’est la caméra qui fait un plan fixe de chacun assis à sa place; toujours dans le même ordre, c’est indispensable.

On nous montre le futur président qui parle à la tribune, et les autres qui l’écoutent autour des grandes tables de douze, mais nous ne les verrons pas manger. Une autre fois, nous verrons les mêmes assis derrière des pupitres, les dossiers ouverts et le pot de thé devant eux, écouter le cours d’un grand chef. Le spectacle politique ici est paisible et harmonieux. Si nous avions attendu le deuxième quart d’heure, nous aurions peut-être vu une bagarre au pied de la tribune du parlement de Taiwan (suivie d’un feuilleton taïwanais qui se passe dans un monde aussi beau que l’Amérique, tout ça est inconséquent).

Retour au concert, qui continue non moins harmonieusement jusqu’au Beau Danube Bleu et la Marche de Radetzky. Pas de bénédiction urbi et orbi du chef d’orchestre comme l’an dernier, « bonne année » dans toutes les langues y compris le chinois. Pour voir et écouter le concert, c’est sur Youtube (cavalerie légère et la fin, tout le concert par morceaux), et, pour ceux qui vivent à l’intérieur de la Grande Muraille, sur Tudou (le Beau Danube Bleu en 2011, 2012, 2013). Ma chère épouse, en entendant mon ordinateur rejouer le concert, m’a demandé de retrouver le chant du Drapeau Rouge, qu’elle aime bien. C’est aussi sur Youtube, avec le même orchestre sous la direction d’un chef chinois. Ceux qui sont à l’intérieur de la Muraille n’auront pas de mal à trouver le morceau sur Baidu. Mais depuis que je peux de nouveau contourner la Grande Muraille de Toile, les sites chinois sont moins accessibles que le reste du monde quand j’utilise mon tunnel. On ne peut pas tout avoir.

Juste avant le concert, l’après-midi du 1e janvier, nous étions allés prendre le thé chez la meilleure amie de mon épouse, celle qui, en voyant que son amie avait acquis un mari occidental et qu’elle en était satisfaite, avait voulu en avoir un  aussi. Ca n’a pas abouti et elle a fait une fin avec un Chinois de son âge qui lui convient sûrement beaucoup mieux. C’est là que j’ai vu pointer une menace sur ma petite vie actuelle.

L’amie en question habite encore comme nous une résidence du centre ville, avec des arbres, qui date du temps où on montrait les tuyaux du chauffage collectif pour prouver que la modernité socialiste était arrivée. Avec son nouveau mari, elle vient d’acheter un appartement dans une résidence toute neuve. C’est le salon qu’on voit sur l’image au dessus, pas encore très meublé. Ils vont bientôt s’installer.

La nouvelle résidence est moderne; les arbres ont été plantés l’année dernière, avec la pelouse grillée par le gel (mais elle reverdira dès qu’il fera beau).

L’horizon n’est pas très avenant, surtout vu à travers les barreaux (mais ici on fait poser des barreaux aux fenêtre, même dans les étages, ça donne une impression de sécurité; cette fois le promoteur les a installés d’avance, en acier inox, pour éviter de laisser dépareiller les façades). Ce sera mieux quand tout sera construit.

C’est à deux kilomètres du terminus d’une des nouvelles lignes de métro, il n’y a encore ni magasins ni restaurant. Mon épouse dit « C’est la campagne » (administrativement, ce n’est pas encore un quartier de la ville). Elle s’est mise à rêver d’acheter un appartement moderne. Je préfèrerais rester dans notre petite résidence à cinq minutes à pied de la grande librairie, d’un cinéma, d’une station de métro, de dix restaurants et de tous les plaisirs de la ville.

Mais justement, une deuxième ligne de métro va passer par la station, et le grand restaurant au coin du carrefour vient d’être rasé pour laisser place au chantier, avec la vieille résidence derrière. Notre résidence est tout près à droite de l’image. Drôle d’impression, je traverse ce carrefour presque tous les jours. Pourvu que rien ne sois prévu à la place des bâtiments que nous habitons.

Une amie (à moi) m’a persuadé de mettre le nez dehors pour boire un café, alors qu’il fait bien trop froid pour que je me promène. Mais c’est tout près.

Les rues sont modestement pavoisées pour le Nouvel an, un drapeau planté dans son support. Rien à voir avec les banderolles et les guirlandes qui seront là dans un mois, pour le vrai nouvel an.

Un coup d’oeil sur cette « maison de café », une invention récente qui concurrence les maisons de thé. Les produits et les prix sont ceux de Starbuck, et l’ambiance bien plus plaisante. Il faudra que j’en reparle. J’aimerais bien ne pas trop m’éloigner des quartiers où on trouve ce genre de petits plaisirs.

L’enfant de Noël

Ce n’est pas le Petit Jésus, c’est un des petits hommes en terre « ni ren zhang » argile être-humain Zhang, un de ceux que j’avais apportés chez un ami français de Pékin qui nous avait invités le soir de Noël. Celui-ci est le petit lettré qui tient le caractère fu, le bonheur, à l’envers. fu daole, ce qui se prononce exactement comme fu daole le bonheur est arrivé.

La vendeuse les met en boîte dès que je les ai choisis, c’est fragile.

Il y a des garçons, des filles, des princesses, des vieux qui jouent aux échecs, toute une industrie fondée à Tianjin par monsieur Zhang Mingshan il y a 150 ans, aussi célèbre que les santons de Provence. Mais il n’y a pas de crèche de Noël, parce que personne ne sait de quoi il s’agit.

On sait que Noël existe, que c’est une fête occidentale, et toutes les occasions de faire la fête sont bonnes. Les commerçants l’ont mise en vitrine. On confond Noël avec le 1e janvier, date du changement d’année de l' »ère commune » (qui a remplacé les ères impériales en 1949; la République de 1912 avait ouvert la sienne après celle du dernier empereur). Au cercle français de l’université des langues étrangères, juste avant la fin du monde, on avait parlé de Noël: la semaine entre le 24 décembre et le 1e janvier, qui est l’égale de la Fête du Printemps ici (elle commencera le 10 février 2013). Le soir du 24 à la maison en famille, le soir du 31 avec les amis ou dans un lieu de réjouissances, les cadeaux aux enfants, pourquoi offre-t-on des oranges à Noël, est-ce qu’il y a des chants de Noël (là,  je n’ai pas osé chanter « Il est né le divin enfant » comme on me le demandait). Les étudiants connaissent le Père Noël, rouge comme les enveloppes pleines d’argent qu’on donne aux enfants au Nouvel An chinois. J’ai lu le début du chapitre 2 de l’évangile de saint Luc (traduction de Lemaistre de Saci). Ce n’est pas une très bonne idée, il y a trop de gens et d’histoires inconnus.

Assiette en porcelaine fabriquée à Jingdezhen dans la vallée du Fleuve Bleu, au XVIIIe siècle, pour l’exportation en Europe. Vue au musée de Macao.

Ca a été pris très au sérieux: donc Noël est une fête religieuse; et les familles se réunissent. Mais que se passe-t-il si dans la famille quelqu’un est hérétique (mot sorti du dictionnaire électronique qui fait des ravages dans le vocabulaire). Un des Français vient d’une famille pratiquante mais pour l’instant il ne croit plus au Petit Jésus (moi non plus, je suis comme les protestants, je pense que la Sainte Vierge et l’Enfant Jésus sont bien plus anciens que les évangiles et ont été embauchés par l’Eglise pour sa bonne cause; la naissance de Confucius aussi a été entourée de prodiges). Il a pu rassurer tout le monde: en France on ne se dispute pas là-dessus, tout le monde fête Noël. La discussion a pris tout le temps, si bien qu’on n’a même pas parlé du sapin ni des rennes de Santa Claus, qui sont la banalité ici. Même l’agence Chine-nouvelle en fait un sujet.

Voici un petit tour dans le Noël chinois, en commençant par la « rue 1902 » (Kaifeng dao pour ceux qui connaissent) , une rue authentiquement européenne de l’ancien quartier britannique, qui portait son âge (années 1930) quand je suis arrivé, et qui a été rajeunie, à une date où elle n’existait pas encore, mais peu importe; on peut y manger européen et boire un café en terrasse.

Il n’y a pas de sapins ici, mais on en construit de plus beaux, qui arrivent prêts à assembler. Pour avoir l’échelle, repérer l’homme en bleu tout en haut, qui commence à étendre les guirlandes lumineuses.

La Chine est le pays des fleurs en soie, qui sont de toutes les saisons. Noël est donc en couleurs tendres.

Vu de près, un échantillon d’aiguilles de pin. Il faut les toucher pour s’assurer qu’elles sont bien en plastique et ne piquent pas. Les boules de Noël plaisent de plus en plus et on en vend dans la rue, comme on vendra des petits serpents (l’animal de l’année) dans quelques semaines.

Voici le résultat. Dans le décor on reconnaît l’Arc de Triomphe à gauche (c’est un immeuble de bureaux, avec une galerie marchande en bas), et la ferraille d’un futur gratte-ciel à droite. Le péristyle à colonnes est l’entrée de l’hôtel Renaissance. Le réverbère fait partie de la résurrection de la rue 1902. Mais le grand noeud rouge est un porte-bonheur typiquement chinois.

Et voila le résultat, dans le dernier rayon du soleil. Le traineau des rennes a de vrais sièges pour que les petits enfants se fassent photographier par leur papa.

Un autre sapin, dans Binjiang dao, l’équivalent des trottoirs des Champs-Elysées pour la petite ville de Tianjin. Les sapins ont été inventés pour que les jolies filles se fasse prendre en photo devant.

D’autres rennes, le château de Disneyland derrière, dans le vestibule d’une galerie marchande.

Moins prestigieux, l’étage des choses qui ne se mangent pas de l’hypermarché à côté de chez nous. Les caissières portent le bonnet qu’on leur a donné. Au fond, le rayon d’articles de saison, guirlandes et  sapins à monter soi-même.

Cette dame achètera un petit sapin rouge pour le poser sur la table des enfants.

Une allée de lumières devant la façade d’un grand immeuble qu’on vient de terminer, dans une rue où il n’y a personne puisqu’il y a quelques semaines encore elle traversait un chantier. Décor de Noël puisque c’est la saison, mais ici tout scintille toute l’année.

Coup d’oeil sur la vitrine du magasin à côté, qui vient de rouvrir. Le commerce de Noël, tout seul, ne fonctionne pas.

Une affiche lumineuse dans le métro. C’est la publicité du centre commercial qui borde le nouveau parc culturel de Tianjin (théâtre, musées, bibliothèque, lac avec jeu de grandes eaux; avant, c’était un parc d’attractions du temps du socialisme, grande roue, montagnes russes, et restaurants en plein air; il faudra que j’en parle un de ces jours).

J’avais conseillé à une amie, professeur de français avec qui je travaille toutes les semaines en ce moment, d’aller le 24 décembre à la cathédrale catholique, pour voir la crèche, et aussi la foule de ceux qui feraient comme elle. Pas de messe de minuit pour moi puisque j’étais à Pékin. La cathédrale était pleine l’année dernière. Mais cette année il y avait de grands panneaux bleus, des palissades de chantier gardés par des policiers, pour barrer les rues qui y conduisent, empêcher de voir, et ne laisser passer que les gens qui veulent vraiment y aller. Mon amie n’a pas osé passer. Est-ce que le nouveau premier secrétaire du Parti, que j’avais entendu décrire comme le Ratzinger du marxisme (et j’avais même traduit un morceau de conférence sur la nécessité de connaître le raisonnement marxiste), aurait peur de la religion ? Ou plus simplement les autorités municipales effrayées par l’idée d’un peuple nombreux qui s’occupe d’autre chose que d’acheter ? Ca expliquerait les sapins dans certaines rues et les palissades dans une autre.

Ce qui se passe en ce moment

Tous les mardis après-midi, je vais à l’Université des langues étrangères, invité par un groupe d’étudiants qui veulent discuter en français et entendre d’autres voix que celles de leurs professeurs. L’an dernier, ça se passait dans le petit café international du campus, où on pouvait boire tout en discutant (mais la tasse la moins chère coûte plus cher qu’un repas à la cantine). Cette année c’est plus austère, dans une salle de cours. Il faut des francophones, mais c’est une espèce rare ici: cinq ou six étudiants internationaux (dont deux Belges) à l’université; les expatriés travaillent; les professeurs de français ont envie de faire autre chose même s’ils ont du temps. Donc je profite de ma situation privilégiée. Le sujet de la discussion est choisi d’avance. Ce mardi, c’était la fin du monde, sujet d’actualité choisi par eux, je n’y suis pour rien. La fois précédente, c’était Noël.

J’ai apporté une image de la couverture du Courrier International, le dernier numéro de 1997. Le dessin a laissé l’assistance perplexe. Quelle est la bête, qui est celui qui la chevauche ? Je me suis aperçu que les étudiants (2e et 3e année) prenaient presque au sérieux l’annonce de la fin du monde du calendrier des Mayas, le 21 décembre. La police vient de rafler des centaines de militants de la secte du « Dieu tout-puissant » qui la prêchait.

Ce n’est pas seulement parce que ses dirigeants sont des escrocs qui ordonnaient aux croyants de leur donner tous leurs biens, mais aussi que tout mouvement de la société qui a du succès inquiète le Parti; il n’aime pas la concurrence. Ici, s’attaquer à tous ceux qui troublent l’harmonie de la société est tout à fait normal,  comme les journaux l’expliquent avec candeur, et ça n’indigne pas le citoyen moyen, pour ce que j’en sais. Par contre, l’an dernier la vente de tickets pour l’arche de Noé 2012 (comme dans le film) s’était passée sans problème.

Dans la tradition chinoise, il n’y a pas de Création du monde en sept jours, ni de Jugement dernier, si bien que la fin du monde est presque une nouveauté, alors qu’en Occident nous sommes blasés. J’ai donc expliqué que l’animal surnaturel est un des chevaux de l’Apocalypse décrits dans la Bible.

La vallée de Josaphat à l’est de la vieille ville de Jérusalem, en 1890. photo Michael Maslan, Corbis

Les tombeaux en bas de la vallée. Photo Armin Schoech, 2003

J’ai parlé de la grande déception des disciples du Christ, il y a pas loin de 2000 ans, qui avaient cru que la fin du monde aurait lieu de leur vivant, qui avaient vendu tous leurs biens pour les mettre en commun et vivre dans l’attente. J’ai l’impression que les images de la vallée de Josaphat, où des milliers de gens se sont fait enterrer pour être au premier rang devant Dieu quand il apparaîtra le jour du Jugement dernier et de la résurrection des morts, ont fini de les persuader qu’il ne se passera rien le 21 décembre. Digression: depuis que je fréquente des étudiants qui en principe apprennent une langue européenne et la civilisation occidentale, et ne sont pas les plus bêtes de leur génération, je suis frappé par leur ignorance de la civilisation occidentale, justement. En première année de chinois à Paris 7 quand j’y ai fait une apparition, il y avait un cours sur la mythologie chinoise, la religion traditionnelle, les fêtes et les usages (cours donné par madame Gipoulon, qui avait fait sa thèse sur la vie et l’oeuvre de Qiu Jin, une des premières féministes chinoises; elle doit être en retraite maintenant). Le jeune ethnologue qui explique « D’après mes recherches, la célébration de la fête de Noël en Occident remonte au moins à la première moitié du XXe siècle » serait pris au sérieux ici.

Et voici l’argument définitif au sujet de la fin du monde: la biographie de l’inventeur du 21 décembre. José Argüelles, historien de l’art mexicain, devenu prophète, en a vécu pendant des années, avec livres et conférences. Il est mort en mars 2011, à l’age de 72 ans. Un étudiant avait posé la question au groupe: Qu’est-ce qui est le plus important dans la vie ? D’abord rester en vie (donc manger, dormir à l’abri, et autres nécessités), ensuite être reconnu. Confucius l’avait expliqué, chacun existe parce que les autres reconnaissent qu’il existe. Argüelles avait inventé la fin du monde pour être reconnu.

Mais on ne parle pas que du sujet principal. Avant que tout le monde soit arrivé, j’avais posé une question sur les îles Diaoyudiaoyu dao pêcher île, et la grande agitation entre le Japon et la Chine. J’avais déjà vu une affiche dans les rues de Xiamen, une photo aérienne des îles ornées d’un drapeau chinois.

Cette affiche lumineuse est dans un des couloirs de la nouvelle station de métro de la gare. Ce n’est pas de la publicité, c’est la grande île Diaoyu, et maintenant on l’a assez vue pour la reconnaître.

L’arrière d’une Toyota (fabriquée à Tianjin) rectifié pour faire patriotique.

Par contre, cet agent de la circulation ne s’inquiète pas du tout pour sa moto de service Suzuki (je crois reconnaître le haut-parleur blanc et la caméra vidéo).

xin shi zhongguo xin, che shi riben che,  coeur est chinois coeur, voiture est japonais voiture. Un blog  alarmiste a réuni des images de voitures renversées et de magasins japonais incendiés. Je me méfie, déjà j’avais vu des photos prises en Inde pour illustrer des troubles au Tibet (avec des policiers moustachus qui brandissent leur lathi). Opinion à Tianjin: « Il y a des gens qui sont inquiets, mais il ne s’est rien passé ». Le grand magasin Isetan (centre commercial japonais, où on trouve au sous-sol tout ce qu’il faut pour se nourrir comme un Japonais) est toujours ouvert. L’usine Toyota avait baissé sa production parce que personne n’achetait plus, mais tout est redevenu normal. Citation de l’épouse d’un salarié d’une filiale de Toyota: « Même le sentiment patriotique n’empêche pas d’acheter un produit de bonne qualité. » Dans la zone industrielle où travaille son mari, des gens étaient venus lancer des pierres mais ça n’a pas duré.

Pour les manifestations, je n’avais rien vu, mais ces temps-ci je ne vois plus rien: il y a eu un incendie dans une des boutiques de la résidence et je ne l’ai vu qu’en butant sur les décombres le lendemain. Avis d’un étudiant « Il y a eu une manifestation sur Binjiang dao, ensuite plus rien. » (Binjiang dao est à Tianjin ce que Wangfujing est à Pékin ou les trottoirs des Champs-Elysées à Paris). J’ai trouvé l’avis d’un Français de Changsha, la capitale du Hunan  au centre de la Chine. Je lui emprunte une photo :

D’après lui, ce n’est pas la foule et la police a tout bien encadré (comme en Europe donc). J’en profite pour faire la publicité de son blog http://www.chinenon-stop.com/ qui parle de la vie quotidienne et des choses intéressantes. Il est aussi sur Facebook (pas pour ceux qui vivent à Changsha ou ailleurs). Il s’appelle Georges Hymans et est marié à une Chinoise.

Et puis il y a une nouveauté en librairie: la carte des îles « République de Chine, Iles Diaoyu et archipel associé.  » 6 yuans (moins d’un euro). La carte est affichée au-dessus du rayon dans la grande librairie Tushu dasha, là où était la carte de la République.

L’éditeur n’a pas fait des frais excessifs. Il a découpé un morceau de la carte de Taiwan (en haut à gauche, les îles sont au nord-est de Taiwan)   et collé quelques photos satellite; on a quand même le nom et les coordonnées de plus de cent îlots. La grande Diaoyu est un peu plus grande que Houat, mais n’a presque pas de terrain plat et personne n’y habite. Ceux qui veulent se renseigner peuvent consulter les articles de Wikipedia. Les articles existent depuis longtemps et se sont beaucoup enrichis depuis septembre 2012. Comme quoi le Parti, qui avait interdit Wikipedia jusqu’en 2008, a eu raison de changer d’avis. Le point de vue continental s’exprime, alors qu’avant, tous les contributeurs venaient de Hongkong et de Taiwan (Taiwan est d’accord avec le continent au sujet des îles, elles sont chinoises). Pour lire l’article en français, regarder sur la gauche du texte; il y a même un article en breton , qui semble soutenir le point de vue japonais, puisqu’il nomme l’archipel Senkaku, comme la version en anglais.

Quant aux risques de guerre avec le Japon, les étudiants en français n’ont pas du tout envie de la faire. Ca devrait se régler « entre politiciens ». Quand même, la collection d’images de Baidu a un air très martial. On y trouve la tablature d’un hymne des Iles de la Pêche.

Sixièmes choux

Il y a trois semaines, j’étais chez des amis, et j’ai vu dehors sur le mini-balcon qui prolonge la fenêtre la réserve de légumes de saison. Novembre est le mois où on achète les choux pour l’hiver. Ils se conservent au froid, l’extérieur se flétrit un peu, l’intérieur reste croquant. Cela m’a rappelé que j’avais oublié de raconter que c’est le sixième anniversaire de ce blog, commencé en novembre 2006. Depuis, les statistiques me disent qu’il y a eu 354.000 « pages vues » (un peu plus si on comptait ceux qui l’ont consulté depuis l’intérieur de la Grande Muraille, le site WordPress qui fait les comptes est inaccessible), et cet article est le 335 ième.

Je suis allé au marché de la seconde rue de Nankai, pas loin de chez nous, voir les choux de l’année proposés en grands tas aux clients. Les marchés de la ville ont un air d’abondance presque toute l’année, grâce aux vendeurs qui installent au bord du trottoir un camion de pastèques, ou d’oranges, ou de choux donc, avec une balance à l’arrière.

La municipalité n’aime pas ce genre de commerce, ça fait tiers-monde, ce n’est pas contrôlé, mais elle n’y peut rien, à part faire disparaître les lieux où les marchés se tiennent, remplacés par des jardins publics et des haies d’arbustes décoratifs, comme dans notre quartier. Notez la vieille dame en fauteuil roulant à petites roues et sans moteur, qu’on ne peut pas faire avancer soi-même. Elle a embauché le jeune homme en bleu pour faire son marché.

Le tas de choux est protégé par une couette en coton matelassée. La dame en contemplation est la patronne. Elle regarde ses jeunes vendeurs s’affairer.

Choux blancs du champ de jade yu tian baicai (jade champ blanc-chou), vendus 4 mao la livre, ce qui fait dix kilos pour un euro ; il faut un euro pour acheter huit yuans, et dans un yuan il y a dix poilsmao (comme le Président), ou dix cornesjiao (le nom officiel du décime de yuan).

Pour un yuan, on peut aussi acheter sur le marché une liasse de vingt billets de la Banque du Ciel, qu’on brûle pour virer l’argent aux ancêtres qui en ont besoin dans l’autre monde (cliquer sur l’image pour les voir plus grands). Les billets traditionnels sont à l’effigie de l’Empereur du Ciel (en haut) mais la nouvelle mode, depuis deux ou trois ans, est aux vrais billets socialistes d’il y a trente ou quarante ans, avec des portraits de travailleurs (les billets de la Banque populaire de Chine d’aujourd’hui sont tous des portraits de Mao jeune). Au dessus des billets, des lingots d’or combustibles.

Portrait d’une cliente rousse. Contrairement à la légende,  à la publicité télévisée, et aux portraits officiels des hauts cadres, les Chinois n’ont pas les cheveux noirs, mais châtain très très foncé. Quand même, elle s’est fait décolorer les cheveux; souvent c’est un désastre, mais ici dans un rayon de soleil j’aime bien.

Retour vers la station de métro. L’hypermarché Jialefu (Carrefour) sait que la tradition veut qu’on achète les choux d’hiver directement au camion. Aussi, où les mettre à l’intérieur ? Ils sont moins chers et moins beaux qui les meilleurs du marché. En avant, les bâtons blancs ne sont pas des poireaux, mais des « oignons » longs, qui eux aussi se conservent très bien l’hiver.

Bizarre. Le jeune vendeur que j’avais rencontré l’année dernière au même endroit est revenu, avec le même jean Diesel et les mêmes baskets Playboy. Je ne l’avais pas reconnu sur place et je m’en aperçois en regardant la photo. Est-ce un signal pour m’avertir que je tourne en rond dans les saisons de ma petite chronique ?

En fait, les signes de fatigue du destin se multiplient ces temps-ci. Mon ordinateur qui fonctionne en chinois, d’où sont partis les articles depuis avril 2011, est tombé en panne. Pas d’Internet, et beaucoup de choses qui ne fonctionnent plus. J’ai essayé de le ressusciter avec un autre exemplaire de Windows en chinois (à 20 yuans au Cyberworld de la rue Anshan ouest, que les gens de Tianjin connaissent bien). Ca n’a pas marché. Le Windows en français qui date de mon ancienne machine n’a rien donné non plus.  Je me suis rappelé que j’avais rangé quelque part un exemplaire de système Linux Ubuntu téléchargé un jour en me disant que je l’essaierai quand j’aurai envie de refaire de l’informatique. Etonnant: ça a fonctionné, tout marche bien sauf moi, qui suis un peu égaré, comme si j’habitais une nouvelle maison. J’ai quand même réussi à préparer et écrire cet article, c’est encourageant.

Autre signe: avant-hier matin mon petit tunnel sous la Grande Muraille s’est effondré aussi. Je n’ai plus accès aux sites étrangers interdits (Facebook, Youtube, Internet Archive, les blogs de WordPress, et bien d’autres; en général tous ceux qui ne se sont pas engagés à supprimer sur demande ce qui pourrait nuire à l’harmonie de la société; les sites Microsoft Live ne sont pas interdits). J’ai consulté mon fournisseur qui m’a envoyé de nouveaux codes d’accès en me prévenant que la technique du Ministère de la Sécurité de l’information s’est brusquement améliorée et qu’il faudra changer les codes souvent. Le premier code a duré une journée. Je vais en essayer un autre. Tout ça prend du temps.

Le congrès du Parti

Comme tout le monde le sait, le Parti communiste chinois vient de se réunir à Pékin pour discuter de l’avenir du pays et choisir les dirigeants pour les cinq ou dix prochaines années (le congrès se réunit tous les cinq ans). Le premier secrétaire Hu Jintao, dans le discours d’ouverture, a parlé de la corruption. Au même moment ou presque, je parlais avec un ami chinois d’un autre ami français installé à Pékin, qui est homme d’affaires. « En ce moment, il importe du vin français. Il le vend en quantité à des institutions officielles et pour les banquets du Parti. Ca marche bien, mais il est obligé de faire de la surfacturation. » Et puis je me dis que mon ami chinois ne connaît peut-être pas le mot surfacturation. « Oui, c’est la première fois que j’entends ce mot, mais avec le contexte j’ai tout de suite traduit. » En ce moment l’air est transparent et le ciel bleu, grâce aux grosses pluies et au grand vent qui le nettoient.

Je suis en train de lire en même temps trois livres : « La philosophie du porc », recueil de textes d’un moraliste qui a reçu le prix Nobel de la paix en 2010 et que le Parti redoute tellement que je n’écris pas son nom dans le texte, de peur de déclencher les machines qui surveillent l’Internet extérieur.  Il pense que les dirigeants actuels, qui  sont incapables d’imaginer que les citoyens ont le droit de se diriger eux-mêmes, ne pensent qu’à s’enrichir, et que la pourriture s’étend ainsi à tous ceux qui ont une petite part des bénéfices du pouvoir. Son style est très agaçant, mais il faut le lire.

Le second livre est « La voie chinoise, capitalisme et empire ». Michel Aglietta est un économiste qui étudie la Chine depuis des années. Son employeur est une banque. Bai Guo Bai travaille pour l’ambassade de France à Pékin. Ils expliquent comment la Chine a avancé et prospéré à sa manière, sans lois ni morale, avec des règles qui maintiennent l’équilibre: « … la corruption est un élément clé de la gestion des règles du jeu édictées par le Parti. » Ce sont ceux qui en abusent au point de se construire un pouvoir personnel qui doivent être punis. Le simple cadre a droit à des rémunérations en plus de son salaire. Comme au temps de l’Inde socialiste, où on expliquait qu’il est difficile d’empêcher les fonctionnaires qui distribuent les permis de s’enrichir (les licences pour faire des affaire) de prendre leur petite part. Quant au peuple, le premier chapitre explique que la construction actuelle est exactement conforme à l’idée de l’Etat et du souverain au temps des empereurs et même avant. Le souverain veille sur le bonheur des Cent Familles (tout le peuple, mais il n’existe pas d’individu, seulement des familles) , et reste en place tant qu’elles sont heureuses. Il n’y a pas d’autre pouvoir que le souverain.

Le troisième livre est écrit par un journaliste anglo-saxon, Richard McGregor, un de ces hommes qui ont le secret de se faire raconter ce que chacun a envie de raconter sur lui-même et sur les autres. Il a donc rencontré des cadres du Parti qui dépensent cent fois plus que leur traitement, et des hommes d’affaires qui sont membres du Parti pour être à la tête du groupe qui surveille leur entreprise. Comme dit l’auteur, tout ça est difficile à accorder avec le spectacle d’une ville chinoise moderne. Dommage que le livre ne soit pas encore traduit en français. Une nouvelle édition est prévue pour le début de 2013, mise à jour après le congrès.

 

Si on lit ces livres et si on consulte la presse officielle, on s’aperçoit que les journaux parlent de la même chose, simplement sur un ton différent. J’ai aussi acheté à la grande librairie près de chez nous « Why and How the CPC works in China », qui explique les causes du succès du Parti à toutes les époques de son histoire, édité par la New World Press de Pékin. Mais ce que j’écris est un peu trop simple. Je vais continuer à lire. Et maintenant que j’ai une liseuse (e-book reader en français), c’est très facile. J’ai acheté ces livres sur Amazon en français, j’ai payé avec ma carte bancaire française, et les livres sont arrivés par Internet, que je sois en Chine ou virtuellement aux Etats-Unis ou à Hongkong . Quelqu’un qui a une carte bancaire chinoise peut acheter sur Amazon en chinois, mais il n’y a pas tout, alors que presque tout ce qui est sur l’Amazon américain (où on paie avec une carte américaine)  est proposé aussi en Europe. (je suis fâché avec la FNAC, il faudra que je raconte une autre fois).

Le panneau d’affichage du terminal 3 de l’aéroport de Pékin. En bas à gauche l’avion d’Air China, CA934, from Paris, attendu à l’heure. On peut voir que les avions de Hongkong viennent de l’étranger.

 Mais ce n’est pas pour le congrès du Parti que mes frères et soeurs sont venus me voir en Chine. Donc je reprends ce que j’avais commencé il y a quelques jours.

C’est une grande angoisse d’organiser un voyage pour les frères et soeurs. D’abord il n’y a aucune indulgence à attendre de gens qui vous connaissent aussi bien. Ensuite il faut assembler des espérances contradictoires: profiter de l’accueil de quelqu’un qui vit sur place (ce qui permet d’accéder à des merveilles inaccessibles, par exemple prendre l’autobus à Pékin), goûter à la vie mystérieuse des gens de la Nation Centrale (avec l’aide de celui qui vit sur place), voir des choses intéressantes, et aussi se transformer au retour en gens qui sont allés en Chine. Ce dernier point est « incontournable » comme disent les guides touristiques. Or pour faire croire aux amis et connaissances qu’on y est allé, il faut pouvoir affirmer qu’on a vu ce qui doit avoir été vu, donc la Cité Interdite et le Temple du Ciel à Pékin, la Grande Muraille, l’armée de l’Empereur à Xi-an, les rizières en terrasses dans la province des Minorités, la rivière entre les montagnes de Guilin, et Hong-Kong, l’autre Chine. La liste pourrait être plus longue mais la vie est courte et les amis comprendront qu’on n’ait pas vu aussi la façade sur la rivière de Shanghai et les Montagnes Jaunes des peintures chinoises. A noter que Tianjin ne répond pas au besoin; personne en France ne sait que cette ville existe, à part ceux qui y ont de la famille, et son rendement touristique est donc nul.

Il faut faire tout cela en deux semaines et sans  se fatiguer complètement, parce que le vie normale reprend aussitôt après, et ils ne sont pas  en retraite comme moi.

Il y a aussi un problème d’effectifs. Même si tout le monde n’a pas pu venir, nous sommes six en me comptant, ce qui constitue un « groupe » pour les hôtels et les transports aériens; on ne peut plus réserver sans passer par un professionnel, au risque de ne pas pouvoir rester ensemble. Donc c’est moi qui organise les premiers jours à Pékin et Tianjin, puis je les laisse partir à l’aventure sous la garde de la meilleure agence de voyage pour cela. C’est « La Maison de la Chine », place Saint-Sulpice à Paris, où les dames du comptoir à Paris parlent chinois, et leurs correspondantes en Chine parlent français (publicité gratuite).

Premier raté dans ma carrière de guide de groupe, le taxi arnaqueur. Nous avions pris l’Airport Express, le métro aérien qui relie l’aéroport à Dongzhimen, la porte de la ville intérieure. On survole pendant vingt minutes un paysage qui ne ressemble pas du tout à l’image du Pékin millénaire. Mais à l’arrivée, les taxis ne voulaient pas charger au compteur des étrangers vulnérables et chargés de bagages. Ils voulaient faire payer dix fois le prix la course vers l’hôtel (10 yuans, la plus petite course). Comme la fatigue se faisait sentir, j’ai transigé à cinq fois le prix. Mais devant l’hôtel le chauffeur du taxi où j’étais, déjà inquiet parce que je lui avais montré le chemin, m’a vu photographier sa plaque, et il a bruyamment refusé les cinquante yuans, demandant seulement les dix yuans du tarif normal. L’autre chauffeur a eu ses cinquante yuans. Il aurait fallu sortir du métro par le sud-est, où les taxi prennent les gens vers l’extérieur de la ville et n’espèrent pas des voyageurs qui viennent de débarquer. Et moi qui venais de dire que les chauffeurs de taxi de Pékin sont généralement honnêtes. (regarder à l’avant, du côté du passager; il y a un carton avec le portrait du chauffeur, son nom, et son numéro professionnel; si le carton n’est pas là, c’est un fraudeur ) .

Le temple des Lamas était prévu pour le premier après-midi mais il était trop tard.  Nous sommes allés au temple de Confucius qui est tout près et reste ouvert tard. Ce cyprès est à droite du sanctuaire. Le temple n’a pas de dévots, et les guides touristiques n’en parlent qu’en passant. On peut essayer de jouer la musique pour les ancêtres sur la gamme de pierres sonores. Pas de musiciens ce soir-là. Il faudrait revenir un jour où ils jouent, mais on ne reviendra pas, le voyage est trop court. Et puis les voyageurs qui se reposent sous le cyprès viennent de passer un jour entier dans les transports en commun.

Premier contact avec le peuple chinois rassemblé, au milieu des pèlerins du Temple des lamas. Tout le monde sauf nous arrive avec un fagot de bâtons d’encens.

Une de mes soeurs voit un pêlerin mettre le feu au dos de sa voisine de devant en s’inclinant avec les bâtons d’encens dans les mains. Je suis content de montrer que la religion va bien en Chine. J’aurais préféré la grand-messa à la cathédrale de Tianjin, mais pas moyen d’y être le dimanche à cause du calendrier.

Je guide les visiteurs un peu abasourdis vers un endroit plus calme, la salle des Dalaï-lama à droite dans la dernière cour. Autrefois c’était le mémorial des treize Grands Lamas (l’actuel est le quatorzième), avec des portraits et des objets personnels, et les légendes écrites à la main sur des étiquettes d’écolier d’il y a cinquante ans. Maintenant c’est le musée à la gloire de l’Empire chinois gardien du Tibet. La vitrine centrale montre l’urne qui sert à tirer au sort parmi les noms des enfants qui sont peut-être la réincarnation du Grand Lama. L’étiquette indique que c’est une reproduction. L’original n’a peut-être jamais existé, mais l’important est de démontrer que c’est l’empereur de Chine qui proclame le nom du nouveau Dalaï-lama. Chaque fois que je fais visiter l’endroit, j’aime raconter à nouveau cette histoire, et il n’y a pas de raison que mes frères et soeurs y échappent.

Ca y est, nous sommes dans la Cité Interdite, après avoir remonté la place de la Porte de la paix du ciel (Tian an men) depuis le métro Qianmen au sud. Inquiétude sur l’horaire. Quand j’avais guidé mon ami Patrick, nous avions mis tout un après-midi pour arriver à la porte de la Cité Interdite; il y avait trop de choses intéressantes sur le chemin, et à l’arrivée le guichet des billets venait de fermer. Cette fois nous avons eu le temps de parcourir l’axe des grandes cours minérales et leurs hangars sublimes, déjeuner au restaurant près de la salle des horloges (une très bonne escale pour le visiteur, qui peut se reposer du soleil et de la foule des grandes cours, et admirer le plafond, après avoir regretté de ne pas pouvoir entrer dans les grandes salles impériales). J’emmène mon groupe à travers les portes et les couloirs des résidences des impératrices et des concubines (c’est à l’ouest, à gauche de l’axe nord-sud), histoire de faire goûter l’air étouffant, même à l’air libre, même là où il y a des arbres, de ces endroits où on ne voit rien, enfermé entre les murs. Je perds, une fois de plus, le chemin qui mène à la chambre d’enfants de Pu Yi, le dernier empereur, où on voit son cheval à bascule et le bateau miniature offert par l’ambassadeur de Grande-Bretagne. Je les ai vus il y a des années et je finis par croire que c’était un rêve.

Indispensable étape suivante: monter  la colline au nord de la Cité Interdite, pour la contempler de haut. Je calcule que nous avons le temps de redescendre, et de prendre l’autobus qui nous conduira à Qianmen, où commence la grande rue qui vient d’être reconstruite comme elle aurait dû être en 1900, y compris le restaurant de canard laqué cité dans le guide (double bénéfice: c’est très bon, et on peut dire ensuite qu’on y a dîné). Mais j’ai la mauvaise idée de faire redescendre mes visiteurs par l’ouest, côté ensoleillé, ce qui oblige à traverser tout le jardin public de Jinshan qui entoure la colline. Et quoi de plus attirant qu’un jardin public de Pékin le soir, avec les rayons de soleil entre les arbres, les gens qui chantent et font de la musique. Nous rencontrons un retraité qui a travaillé à Paris au temps de Mao et de Deng xiaoping comme représentant de l’industrie chinoise. Donc il fait presque nuit quand nous sortons du jardin, je me trompe d’autobus et les voyageurs tiennent conseil pour choisir comment les étrangers pourront rejoindre le bon autobus et atteindre leur but. Dans la grande rue de Qianmen, le restaurant Quanjude est complet depuis longtemps. Nous mangerons un peu plus loin dans un restaurant pour touristes chinois, dont le canard laqué vient de chez un confrère. C’est bon mais anonyme.

Le lendemain, le programme prévoit de traverser la ville pour aller au Palais d’Eté, celui que a méchante impératrice Tseu Hi des 55 jours de Pékin (Cixi dans les livres modernes) avait reconstruit pour ses plaisirs, pas celui que les Anglais et les Français ont incendié en 1860 (j’y passerais des jours entiers dans les jardins et les ruines, mais ce serait trop long). Ensuite retraverser la ville pour visiter le Temple du Ciel, en sortir au coucher du soleil, passer à l’hôtel reprendre les bagages, aller à la gare sud prendre le train rapide pour Tianjin, s’installer à l’hôtel, prendre le métro, et dîner dans notre appartement où ma chère épouse, qui n’a jamais reçu autant de monde à table chez elle (normalement, on va ensemble au restaurant), se tient prête à mettre les jiaozi (raviolis) dans l’eau bouillante. Les jiaozi sont la providence du dîner à heure incertaine. On met très longtemps à les préparer, et ils sont prêts à servir en quelques minutes. Exactement le contraire d’un gigot au four. Aussi bien, il n’y a pas de four dans une cuisine chinoise. J’ai quand même l’impression que nous en faisons trop, et qu’il va arriver quelque chose. Et voila que ma soeur numéro un égare son passeport entre l’hôtel et la gare sud de Pékin. Ce qui va compliquer la suite du voyage. J’en parlerai tout à l’heure.

Dans le programme obligé du voyageur en Chine, il y a la Grande Muraille. Et j’avais envie de faire un tour à la campagne. Justine, professeur de français qui m’emploie comme consultant en langue et civilisation française, est amie avec le patron d’un gîte rural à Jixian, près de la montagne au nord de la municipalité de Tianjin. Et dans la montagne, il y a la passe des Falaises Jaunes, Huanghaiguan, un des points de la Grande Muraille aménagés pour la visite.

La Grande Muraille va buter sur la falaise. Plus bas elle barre la vallée et la grande route. D’autres images dans un vieil article.

Le patron du gîte rural est un agriculteur qui a compris que l’avenir de son village n’est pas seulement dans les épis de maïs et les kaki séchés. Avec la montagne derrière les maisons, un morceau de la Grande muraille tout près, et une grande ville à deux heures de route, où les familles découvrent le départ en week-end, il y a quelque chose à faire.

Nous avons donc monté une promenade à la campagne. Le patron vient nous chercher à l’hôtel avec son minibus, nous partons à huit avec Justine dans le rôle de l’interprète, il nous fait visiter Dongling, les Tombeaux de l’Est où sont enterrés la moitié des empereurs Qing, y compris la méchante Tseu-Hi des 55 jours de Pékin (Cixi dans les livres modernes), nous dînons et dormons dans son gîte, et le lendemain matin nos escaladons la Grande Muraille.

Là j’ai fait une erreur de raisonnement, qui montre que je suis depuis trop longtemps en Chine (non pas que je sois devenu Chinois, c’est impossible). Le gîte a tout le confort de la ville auquel je suis habitué (ici une grande chambre avec les couettes d’été pliées à la tête du lit, et des matelas un peu durs).

Les toilettes de la chambre sont exactement comme la salle de bains de notre appartement (nous avons une douche téléphone au lieu de la pomme douche au mur), avec le chauffe-eau électrique au plafond. Mais pour un Occidental pas entraîné c’est un peu difficile.

Et le lendemain au petit déjeuner, il ne manque rien: bouillie de semoule de maïs, galettes à l’oeuf, légumes salés (au premier plan), oeufs durs cuits dans un bouillon parfumé, et tofu fermenté (les petits cubes roses, goût aussi relevé et fin qu’un roquefort), mais pas de pain et pas de thé ou de café, on n’en prend pas au petit-déjeuner. Tout ce que la cuisine pourrait offrir c’est de l’eau chaude.  (C’est d’une grande hypocrisie; à la maison je petit-déjeune avec thé vert, tartines de pain de mie grillé et confiture, yaourt nature; ma chère épouse est déja à la cantine avec ses collègues de travail, en train de manger le premier repas de la journée; il n’y a que les jours où elle ne travaille pas que je mange chinois.)  Tout se passe bien quand même et les voyageurs sont contents de leur plongée dans la vie normale. Voici l’enseigne du gîtefu yunda nongjiayuan ; bonheur, atteindre, campagne famille hôtel ; et le numéro de téléphone du patron (shouji, portable).

Le patron nous conduit en minibus de la Grande Muraille directement à l’aéroport de Pékin, non pas pour prendre l’avion, mais pour utiliser les transports en commun et atteindre l’hôtel stratégiquement placé au centre de la ville, sans l’autoroute, le boulevard périphérique, et les rues qui sont plus compliquées pour le conducteur qu’une route de campagne. Dans le parking, je dois faire face à un désaccord avec la vision du monde du groupe. Dans un aéroport habituel, on prend un chariot à bagages et on se dirige vers l’ascenseur pour atteindre l’étage des départs (ou des arrivées). Mais le parking du somptueux terminal 3 de Pékin est sous un beau jardin, suivi de la station de métro sous un dôme harmonieux, qu’une douve profonde où sont les autobus et les taxis sépare du hall principal. Ce hall continue vers le nord sur deux kilomètres jusqu’aux salles d’embarquement internationales. Ce bâtiment a été décidé par des gens qui vont en limousine jusqu’à la passerelle de l’avion. Revenons au sujet: ma famille a longuement cherché l’ascenseur avant d’accepter de progresser horizontalement dans la pénombre.

Après l’escalade de la Grande Muraille tôt le matin, le métro perd son charme. Dans la gare des taxis, nous apercevons de grands minibus qui attendent les gens importants. Je consulte l’agent qui gère les queues de gens chargés de bagages. C’est un prix au forfait selon l’hôtel. C’est ainsi que nous avons terminé la route dans un carrosse moelleux pour douze Occidentaux de grande taille, après le minibus pour huit petits Chinois. Le chauffeur nous arrête devant l’entrée de l’hôtel, il les connaît tous. Le confort pour les voyageurs fastueux a aussi du bon (c’est presque aussi cher que les deux taxis qu’il aurait fallu pour aller de Roissy au centre de Paris).

La journée est consacrée à la ville de Pékin, avant que mes voyageurs repartent, guidés par la Maison de la Chine, vers Xi’an et les guerriers de l’empereur, la rivière de Guilin, les pains de sucre dans la campagne de Yangshuo, les rizières en terrasse de Longji, et la route entre Ping an et Sanjiang qu’on peut même faire en vélo; le pays où le rêve de prospérité touristique du patron de Jixian est une réalité. Nous les croiserons à Hongkong, pendant notre voyage de la semaine d’or.

L’image est tirée d’un livre de dessins, dans le style des peintures à l’encre traditionnelle, mais à l’aquarelle. C’est mon beau-frère Dominique, aquarelliste, qui l’a trouvé dans une librairie. Nous sommes allés dans la rue des marchands de papier et de pinceaux (entre la Cité Interdite et le nord de Wangfujing). Les femmes nous ont suivi, mais c’est plus loin qu’elles ont trouvé leur bonheur. (Wangfujing ressemble aux Champs-Elysées qui seraient devenus rue piétonne, et sans l’Arc de Triomphe).

La Chine est donc un pays moderne. Elles ont pu manger une vraie glace Haagen-Dasz. La petite chose jaune au centre de la vitrine est une chaussure.

J’ai essayé de les intéresser à l’effort que fait la municipalité pour élever le moral de son peuple (c’est une affiche lumineuse dans le métro; il y a la même chose partout dans la ville). Le peuple trouve ça inepte mais est indulgent pour les hauts cadres obligés de s’agiter pour prouver qu’ils font quelque chose. Mes soeurs n’ont pas fait attention.

Pendant ce temps-là, ma soeur Marie était à l’ambassade de France, au service des Français, pour se faire faire un passeport instantané. Il suffit d’une demie heure, sur rendez-vous, à condition d’apporter les photos. Mais auparavant il faut avoir déclaré la perte aux services de la Sécurité publique, et ensuite il faut porter le passeport neuf au service des entrées-sorties pour qu’ils y collent un nouveau visa, et attendre cinq jours pour le retirer en personne. Ma chère épouse avait mis en oeuvre son guanxi de fonctionnaire pour que ce soit fait à Tianjin et sans délais, mais il aurait fallu commencer par mentir en disant que le passeport avait été perdu à Tianjin, alors que c’était le bureau de sécurité de la gare sud de Pékin qui avait permis d’acheter un billet sans présenter une pièce d’identité. Peut-on faire confiance au désordre administratif ? Je pense que oui, mais ce n’est pas certain. Je lui explique que ça n’aurait pas changé grand-chose.  Ma soeur va donc visiter Pékin et rejoindra le groupe plus tard.

Nous sommes allés la rejoindre à Pékin dimanche. Ce plat est unsongshuyu ; écureuil-poisson. Le poisson ouvert est finement découpé, puis retourné, sa peau à l’intérieur, et cuit avec du caramel. C’est très bon mais ça ne remplace pas Xi’an.

Ce billet est un dollar de Hongkong. Une monnaie de plus pour les voyageurs. Le dollar vaut exactement un dixième d’euro, ça simplifie les raisonnements (avec un euro, on n’a plus que 8 yuans). L’animal est un lion britannique. Le lion chinois a des bouclettes dans sa crinière.

Hongkong est une des lieux où il faut être allé, et où la prescription touristique est très rigureuse. Il faut traverser la baie dans le vrai ferry (on peut aussi prendre le métro, mais quel intérêt ?). Ensuite on doit monter au sommet du pic Victoria par le cable-car.

Le pic Victoria derrière le front de la cité de Hongkong, tôt le matin. Devant les tours, les embarcadères.

Tout c’est bien passé. Les chemins favorables et les autobus se sont présentés spontanément au bon moment. Même en ayant marché des kilomètres sur des passerelles climatisées qui survolent les rues, et à travers des centres commerciaux réfrigérés, nous étions de retour à l’embarcadère plus tôt que prévu. Pourquoi ne pas aller en bateau à Lantau, l’île qui abrite la baie de Hongkong à l’ouest.

S’il n’y avait pas la montagne verdoyante, on se croirait à Carnac à la fin du mois d’aout. Encore une occasion de citer la parole de l’empereur Qianlong au premier ambassadeur anglais « Ici, nous avons tout. » (quarante ans après, les Anglais louaient l’île de Hongkong à perpétuité; ils ont fait semblant de la rendre il y a quinze ans, mais ils y sont encore, et gâchent la vie au Parti par le mauvais exemple qu’ils ont donné).

Le guide dit que, le soir, on doit aller dîner au sommet d’un grand immeuble et jouir de la vue sur la baie illuminée. C’est le premier jour à Hongkong pour tout le monde et nous ne connaissons aucune adresse. Nous remontons Nathan Road depuis l’embarcadère. Cette fois aussi, le lieu se présente spontanément à gauche de l’avenue. C’est un grand immeuble de trente étages rempli de restaurants et de lieux de plaisir, avec un Gymnase club aux environs du vingtième, et des queues indéfinies pour entrer dans les ascenseurs. Nous en prenons un au hasard qui va directement aux restaurants du sommet. La porte s’ouvre sur un banquet de mariage. Nous continuons.

Le restaurant ne nous convient pas. Pénombre, vins français, et carte avec beaucoup de chiffres. Mais la galerie où on attend d’être placé offre des canapés profonds et des cocktails aux fruits (qui coûtent le prix d’un bon repas en bas, pourtant ma chère épouse, d’habitude si inquiète quand il s’agit de dépenser une petite somme, n’y pense pas). Et à 20 heures exactement, le jeu de lumières de la ville de Hongkong commence, comme dans le guide, avec la musique du spectacle diffusée dans la galerie. J’ai retrouvé le nom de l’immeuble, The One.

Le lendemain matin, on se sépare à l’hôtel. Eux vers Paris, nous vers Macao et Xiamen. Mon épouse contemple lord Baden Powell, l’hôtel BP abrite le siège des Boy-Scout de Hong Kong. Pour mes frères et soeur, le pays où vit leur frères n’est plus complètement imaginaire.

Recevoir la famille

Quelques nouvelles de ce qui se passe en ce moment. Comme tout le monde le sait (ou pas), le Parti va tenir son dix-huitième congrès. Les journaux en sont pleins. Il parait qu’il n’y a jamais eu autant de journalistes étrangers en Chine.

Les forces de l’ordre se préparent aux festivités (China Daily).

Les soldats de la plus haute garnison du monde font flotter les drapeaux bouddhistes qui porteront les influences favorables en direction de Pékin (Quotidien du Peuple). Tout cela pour fêter le couronnement du nouveau Premier secrétaire du Parti et Président de la république,Xi Jinping, (étude, proche, à niveau ; un nom très favorable), fils de son père compagnon de Mao. Il n’y a pas eu le tumulte qui accompagne l’élection d’un président en Occident, ni même l’angoisse de la fumée blanche du conclave. Nous sommes préparés depuis des mois. Et rien n’est épargné pour que tout soit harmonieux. Le moteur de recherche Baidu assure que la loi est respectée dans le choix des images qu’il montre (le texte en caractères noirs en haut à gauche). Les journaux assurent que les moyens de communication de masse du pays sont prêts à informer les citoyens. (consulter le site Xinhuanet pour avoir l’original de la vérité que les autres doivent reproduire).

Aussi, les cadres du terrain, terrifiés à l’idée que quelque chose pourrait se passer chez eux  pendant le grand évènement, surenchérissent sur les précautions.

Je suis allé samedi à Pékin visiter un ami. Dans la grande salle de la gare de Tianjin, j’ai retrouvé les barrières qui isolent les passagers au voisinage de la descente vers les quais de départ. Celles-ci sont neuves, en aluminium, et se déplient. Et avant de pénétrer dans l’enclos, il faut présenter le billet et laisser explorer la personne et les bagages.

Donc, avant d’être assis dans le wagon, j’ai présenté mon passeport trois fois et mon billet a été contrôlé trois fois: le passeport pour acheter le billet ; le passeport et le billet pour entrer dans la gare (les cartes d’identité des citoyens chinois contiennent une puce à lecture à distance et les billets portent une mosaïque en noir et blanc qui contient le numéro de la carte qui a servi pour acheter le billet. Ainsi la machine du contrôle peut les comparer et dire à l’employé en uniforme qu’il peut apposer son sceau à l’encre rouge sur le billet ; avec les passeports des étrangers le préposé concentre son attention et perd du temps.) ; le billet pour entrer dans l’enclos ; le passeport et le billet pour la dame en uniforme en haut de l’escalier qui descend vers le quai.

L’inspection à l’entrée de l’enclos est assurée par des jeunes gens en survêtement (on finit par manquer d’uniformes pour habiller tant de monde) à qui un beau brassard rouge assure un supplément de dignité. an bao zhiyuan zhe, sécurité protéger aspirant agent. Des élèves de l’école des agents de sécurité ?

Ils ont réuni du mobilier pour s’aménager un petit corps de garde confortable dans un coin de l’enclos, avec un râtelier où poser les appareils de mesure du danger que les voyageurs présentent. J’espère que les radiations ne sont pas nocives, j’avais déjà été exploré par des gens plus agés et en uniforme à l’entrée de la gare.

En bas sur le quai, les convoyeuses à l’entrée des wagons, qui vérifient que le voyageur ne se trompe pas de train ou de voiture, se sont effacées. Présenter son billet une quatrième fois, ce serait peut-être trop. Pendant le trajet, un petit cortège a parcouru l’allée centrale: un policier (un vrai cette fois) très beau garçon et dans un bel uniforme, une convoyeuse jolie fille dans le plus bel uniforme féminin des chemins de fer, et un photographe en civil mais avec un appareil visiblement professionnel qui faisait poser les deux autres sur fond de passagers paisiblement assis. Les jours ordinaires, on ne voit passer que l’agent en service quand il s’ennuie dans son mini-commissariat à la sortie du wagon-bar-restaurant, et il est beaucoup moins décoratif. Que les cadres se rassurent, il ne se passe rien et le spectacle est très convaincant.

A l’entrée de la station de métro de la gare sud de Pékin, les bagages sont de nouveau radiographiés et les passagers inspectés, c’est la routine depuis les Jeux olympiques (2008, le temps passe). Une procédure supplémentaire vient d’être instituée: le contrôle des liquides. Un Pékinois ne se déplace pas sans sa bouteille thermos à thé ou sa petite bouteille d’eau en plastique, et l’interdire n’aurait pas plu. Les flacons passent donc sur cette machine d’importation (tout est écrit en anglais et en allemand) qui sait discerner l’eau et les liquides nocifs. Il est interdit de la photographier, mais je ne sais pas lire le chinois. La jeune fille en uniforme qui m’a vu opérer n’ose pas affronter le vieil étranger et appelle au secours un chef qui me demande de supprimer l’image fautive. Je sais maintenant me servir de mon appareil photo. J’affiche l’image sur le petit écran et je la fais disparaître. Le chef me remercie d’avoir été si compréhensif.

Est-ce la dissuasion, ou simplement le hasard, mais je n’ai jamais vu aussi peu de gens dans le métro. J’ai pu m’asseoir pendant tout le trajet, et même faire des photos de mes vis-à-vis. Ces deux-là me rappellent Stone et Charden, le jeune couple idéal du temps où j’avais l’age de former un jeune couple idéal (que les plus jeunes regardent L’Aventura pour savoir ce que c’était;  ceux qui habitent à l’intérieur de la Grande Muraille de Toile peuvent regarder ici, ou là).

Mais en remontant le temps je m’aperçois qu’en parlant du 18e congrès du Parti et de la musique du temps où nous étions petits,  je suis en train d’oublier de parler d’un autre important congrès, celui de ma famille (frères, soeurs et associés) qui m’ont fait l’honneur de venir en Chine à la fin du mois de septembre, pour voir le pays et mettre un peu de réel derrière ce que je raconte de ma vie ici.

Les voici à Pékin le soir du premier jour, dans un décor idéalement authentique, le jardin du temple de Confucius, dans la verdure des cyprès plantés au temps des empereurs Ming (François 1er). Il manque un frère, une belle-soeur et un beau-frère, retenus en métropole par leurs affaires. Ils viendront une autre fois.

Et quelques uns à Hongkong le matin du dernier jour. Avec ce mystère à résoudre : pourquoi un monsieur d’age mûr et doué du sens du devoir se sent-il obligé  de s’habiller en touriste dans un endroit climatisé où les gens qu’on croise sont en costume-cravate ou en tailleur de power woman.

Entre les deux, ils ont été accueillis dans la véritable Chine pour le voyageur (les Chinois ont inventé le tourisme il y a au moins un millénaire et demi, et le touriste occidental est presque homeopathique dans le flot des voyageurs d’agrément), et un peu dans le monde de tous les jours où je vis d’habitude. Comme il est tard et qu’il y a un maléfice sur ce texte (je l’ai perdu en entier hier soir parce au’Internet ne marchait plus), la suite dans quelques jours.

La semaine d’or

Il est un peu tard pour en parler, et puis c’est un sujet qui revient chaque année. Le 1e octobre, c’était le 63e anniversaire de la proclamation de la nouvelle république populaire de Chine, par Mao Zedong, depuis la galerie de la Porte de la Paix céleste (en français Tien an men), là où, pas si longtemps avant, on proclamait les édits des empereurs des deux dernières dynasties. Personne ne l’a relevé en Occident, mais les Chinois qui sont les plus grands historiens du monde le savaient, Mao annonçait le début d’une nouvelle dynastie. Le prochain titulaire sera proclamé président de la République et Premier secrétaire du Parti dans quelques jours, après les dix ans du règne harmonieux de Le Barbu Soyeuse-Vague (en français Hu Jintao).

Image empruntée à uchinatravel.com

Donc, tous les dix ans un grand défilé célèbre le souvenir (le dernier en 2009, 60e anniversaire).

Photo empruntée au site officiel China.org.cn

Et chaque année, tous les Chinois vivent la Semaine d’Or. Les écoles et l’université, les administrations et les entreprises sont en congé, et tout le monde part en voyage en même temps. Il y a aussi la Fête du Printemps, le nouvel an chinois, mais il fait froid et chacun retourne dans sa famille. C’est le 1e octobre qu’on part faire du tourisme.

Il n’y a pas longtemps, la gare sud de Pékin ouverte en 2008 était trop grande pour son trafic, mais plus maintenant. Et c’est un jour ordinaire de la semaine d’or, pas le premier ni le dernier jour.

Cette fois, nous (mon épouse et moi, son grand fils travaille et ne nous a pas suivis) sommes partis dans le sud, à Hongkong où nous avons retrouvé mes frères et soeurs le dernier jour de leur voyage,  puis à Macao et à Xiamen. Je parlerai de Hongkong un autre jour. Xiamen est une ville moyenne (1,8 million d’habitants) sur la côte de la province de Fujian, en face de Taiwan. Elle est installée dans des îles, au milieu d’une baie, avec des montagnes au ras du rivage, un peu comme la côte de Dalmatie autour de Dubrovnik. Deux des îles ont une grande réputation, Kinmen et Gulanyu.

Kinmen fait partie de la province à régime spécial de Taiwan (vue de la République populaire de Chine), ou de la province du Fujian dont le reste est actuellement administré par le pouvoir communiste en attendant la réunification (vue de la République de Chine qui gouverne Taiwan).  La légende dit qu’en 1949, le jour où les soldats de Mao ont voulu débarquer sur l’île, un bateau de guerre du Guomindang qui s’était attardé pour faire de la contrebande avec les paysans de l’île leur a tiré dessus et ils sont rentrés sur le continent. Après, les Etats-Unis ont annoncé qu’ils protégeaient Taiwan et c’était trop tard. Depuis 2001 la paix règne, on trouve des fruits de Taiwan dans les boutiques de Xiamen, et il y a un ferry entre l’île de Xiamen et l’île de Kinmen, mais nous ne pouvons pas le prendre; je pourrais aller à Taiwan avec mon passeport français, mais mon épouse aurait dû demander un permis de visite à son gouvernement (la République populaire de Chine).

Gulangyu est un peu plus grande que Bréhat, pas plus de deux kilomètres en long et en large, et un peu plus près de la côte. En 1842, le traité de Nankin entre l’empire chinois et les Anglais (première guerre de l’opium) a fait de Xiamen (ou Amoy dans le dialecte Hokkien de la province) un des six « ports ouverts » au commerce (Shanghai a été créé à ce moment là). Les Occidentaux se sont installés à Gulangyu et on construit une petite ville internationale qui a été préservée parce qu’il n’y avait pas assez de place pour faire des affaires en grand. Donc je me préparais à jouir de l’esprit des petites îles. (avant 1850, image Wikimedia).

Mais je n’avais pas compris que si Paimpol avait 1,8 millions d’habitants et un aéroport international, l’atmosphère de Bréhat serait différente, surtout au plus haut de la haute saison. Donc quand nous sommes allés à l’embarcadère, c’était ça :

Même s’approcher des guichets pour savoir quel billet acheter était un problème. Après un quart d’heure dans la presse et le bruit, j’avais la tête qui tournait et l’ai acheté n’importe quoi pour monter dans un bateau et quitter ce lieu. Mon épouse continuait d’essayer d’obtenir le ticket bon marché pour simplement passer l’eau. J’avais acheté deux promenades autour de l’île.

Nous sommes à bord et nous regardons l’île, son débarcadère où nous n’allons pas, et la ville derrière.

A bord, il y a à peu près autant de gens que le bateau peut en contenir (mais pas plus, les passagers sont comptés à l’embarquement), et un autre bateau attend que le premier soit parti pour prendre sa place.

Le bateau est passé de l’autre côté de l’île. Et, bonne surprise, il s’arrête à un autre débarcadère, tellement neuf qu’il n’est pas encore sur la carte ni dans le guide. Le bateau repart presque vide. Ce soir nous remonterons dedans pour finir la promenade et retourner à Xiamen selon la promesse du billet.

L’île de Gulangyu ressemble bien à sa description, jardins, allées ombragées, mais nous sommes dans la semaine d’or.

La promenade du bord de mer est capable d’absorber le flot de touristes. Mais que font les dames qui attendent à gauche ? Même si tout est prévu largement, on atteint parfois la limite de capacité des équipements. pourtant, le plaisir d’être là le jour prévu ne diminue pas, tout le monde reste de bonne humeur. Je ne serai jamais tout à fait Chinois.

Coup d’oeil vers le sommet de l’île (99 mètres) d’où on a la plus belle vue sur la mer et le paysage. Nous monterons un autre jour.

C’est l’heure de déjeuner, et nous sommes près du jardin Shuzhuang, un des endroits qu’il faut avoir vus, loin de la ville où sont les restaurants. Mais la semaine d’or a fait naître un restaurant sur une grande pelouse.

Je ne sais pas encore me servir de mon nouvel appareil photo. L’ancien est mort de vieillesse (5 ans).

Ce n’est pas la salle du restaurant des touristes sur la route de la Grande Muraille de Badaling (cent tables de dix), mais pas mal quand même.

Les cartons derrière les « cuisinières » sont remplis de plateaux-repas  garnis, ou de boîtes de soupe. Et c’est chaud, sans que j’aie compris comment elles les font chauffer. 20 yuans, plus abondant et un peu meilleur qu’un repas sur Air China.

L’île est interdite aux moteurs (sauf les engins de la municipalité et des chantiers, et les petits trains pour les touristes) et tout arrive à destination par des moyens traditionnels.

Nous sommes dans le jardin Shuzhuang. l’entrée est payante et la foule moins pressante.

Vue sur la plage et l’autre sommet de l’île. La petite ville est sur l’autre versant de la colline. Le bâtiment au sommet serait le musée des orgues. Nous avons visité le musée des pianos dans les bâtiments du jardin. Gulanyu est le lieu de naissance ou d’éducation de plusieurs grands musiciens chinois. Il faudra que je revienne.

Nous sommes sur l’avenue qui conduit à la ville. La foule s’est détendue.

Mon épouse est partie remplir une des missions dont ses amies l’ont chargée: rapporter des produits de l’île, des algues médicinales séchées; les magasins sont dans cette avenue. Je vois passer deux porteurs de palanche, comme dans Le Lotus Bleu. Ce sont des petites noix  déjà prêtes, avec une paille pour boire le jus.

Nous sommes « en ville ». Les maisons sont européennes, comme dit le guide, et les visiteurs plus nombreux que jamais.

Ceux-ci sont des gens sérieux. Ils regardent sur la carte où ils sont, et comment atteindre les maisons remarquables qu’il faut avoir vues.

Voici le seul Occidental que j’ai rencontré. Il a une vraie tête de diable étranger yang guizi ; mer, diable, comme les Chinois du sud les appelaient au moment où ils se sont installés dans l’île.

Je commence à avoir envie d’aller ailleurs, mais mon épouse reste sereine. Elle fait à une amie le rapport de ses achats, au milieu du bruit. Tout va bien. La municipalité a érigé une arche rouge en l’honneur du 63e anniversaire.

D’ailleurs, un peu plus loin dans un endroit plus large, des habitants de l’île jouent aux cartes comme les autres jours. Qu’il est doux de ne rien faire quand tout s’agite autour de vous.

Ceux-ci sont des touristes, un peu fatigués. Le chapeau de paille blanche est un des succès des marchands de souvenirs. Mon épouse porte le même.

Hors des rues du « centre ville », je trouve enfin l’esprit de l’île comme il était promis. Ici c’est un hôtel anglais, Little Molly Inn; l’intérieur a été rhabillé dans un style européen que rien n’arrête (cliquer pour visiter). En préparant le voyage, j’avais évalué la possibilité de dormir sur l’île, mais la hauteur des tarifs de la semaine d’or m’avait fait reculer, autant que la crainte d’être piégé par les horaires des bateaux.Je saurai mieux la prochaine fois.

Encore une vision de la vieille Chine. Mais le chargement est tout à fait moderne. Les cartons contiennent des noix de coco fraîches sous plastique, déjà usinées et prêtes à être vendues, sans avoir à manier la machette pour les ouvrir devant le client. On trouve les mêmes à Pékin pour les touristes de l’été.

Et maintenant, où sommes-nous ? Devant l’église de la Trinité du Christ, dont la première pierre a été posée en juin 1934. Je ne sais pas ce qu’elle était devenue au temps de Mao, mais aujourd’hui l’heure de l’office et les numéros des psaumes sont affichés sur un panneau lumineux à droite de la chaire.

  La vieille dame à gauche est la gardienne en fonction. Elle accueille les visiteurs avec un gobelet de thé vert et une invitation à prier. Ouvert devant moi, un livre de cantiques qui est à demeure sur le banc, avec la Bible dans une belle édition (cliquer sur l’image pour lire la partition).  Mon nouvel appareil photo, que je ne connais pas encore, a une fonction « point intéressant de l’image » et il a choisi la jeune fille en robe d’été pour faire la mise au point.

En montant le long de la colline vers le nord, nous trouvons enfin le quartier où les gens de l’île vivent aux heures où les touristes sont partis. La maison avec un fronton à gauche est un hôtel. Une autre fois, nous resterons.

Preuve qu’il fait beau toute l’année: l’eau courante est distribuée à l’air libre, comme l’électricité Nous ne sommes pas dans le nord où tout cela est enterré profond à l’abri du gel. Un petit groupe de jeunes touristes nous suit. Ils me voient photographier les compteurs et prennent des photos eux aussi. Ils sont peut-être du nord, comme nous.

Il va être temps de retrouver l’embarcadère. Le dernier bateau est à cinq heures et demie.

Au bord de la mer, vue sur le centre de la ville à l’est derrière la pointe de l’île.

En me tournant vers l’ouest, je vois un porte-conteneurs dans la baie de Xiamen. Le port ouvert du temps des derniers empereurs a continué de prospérer. Il a accueilli une des zones économiques spéciales de la réforme de Deng Xiaoping après 1978.

Tout près, une relique des années 1950, quand la Chine socialiste voulait se défendre contre les impérialistes et leurs complices de Taiwan. En cas de menace de débarquement, les mitrailleurs entraient dans leur boîte et la porte, derrière, était fermée sur eux. Ils n’avaient plus qu’à tirer en espérant que l’ennemi s’en irait avant qu’un obus tombe sur la boîte.  Il en reste d’autres dans la ville de Xiamen. Elles n’ont pas servi.

Vue sur l’embarcadère à gauche et le port des conteneurs sur le continent à droite. Nous aurons le dernier bateau. Dans la réalité, l’horizon est horizontal, mais je ne suis pas encore habitué à mon nouvel appareil.

Vue sur la ville et l’appontement des ferries d’où nous sommes partis ce matin. Gulangyu est un très bel endroit, où il faudra revenir.

Et voici, dans le dernier rayon de la lumière du soir, un autre paysage, sur un mur dans la ville de Xiamen. gouyu dao quanjing ; pêcher  à la ligne les poissons, île, panorama. Avec des bannières géantes plantées au sommet par la grâce des logiciels d’image. En japonais, le même paysage s’appelle Senkaku-shotō. Ce sont les îles de la grande dispute, proches de Taiwan par la géographie, japonaises par l’Histoire, et habitées par personne, un peu comme la Maîtresse Ile des Minquiers entre Jersey et la Bretagne, disputée entre la Grande-Bretagne et la France (un jugement de la Cour internationale de justice l’a attribué à la Grande Bretagne en 1950).  Mais ici c’est très sérieux. Les pêcheurs chinois qui venaient se reposer sur la plus grande île de l’archipel n’ont plus le droit de débarquer sur la terre de la patrie japonaise, et la province de Taiwan, d’accord pour une fois avec le continent, revendique son territoire.

C’est très sérieux. Les propriétaires de voitures japonaises achètent des autocollants patriotiques (vu dans une rue de Tianjin) , l’usine Toyota de Tianjin tourne au ralenti et a fermé pour la Semaine d’or. Les sous-traitants japonais ont fermé eux aussi. La Chine avait déjà construit une plateforme de béton pour permettre à une autre des iles qu’elle revendique (contre le Vietnam cette fois) de ne pas disparaître aux grandes marées, et ça fait un sujet au journal de 19 heures de la télévision centrale. En attendant, Google Maps a retiré les noms de la carte.

Grosse fatigue

Ca fera bientôt deux mois que je n’ai rien écrit. Des amis s’inquiètent de ma santé, ça me réconforte. Ce qui m’est arrivé, c’est que j’en ai eu assez de la Chine. Pas parce que ma chère épouse ne s’occupe plus de moi (au contraire) ni que mes amis d’ici me négligent. Mais j’ai eu la mauvaise idée d’aller passer du temps dans un autre pays étranger. Avant, je connaissais la France, pays plein de défauts, le principal étant que j’y ai vécu tellement longtemps que je crois le connaître. Et je connaissais l’autre pays, l’empire chinois, où tout est différent et où je n’ai pas le droit de juger, seulement d’essayer de comprendre, et puis ça a l’air d’aller de mieux en mieux. Le Canada, c’est à l’étranger, et ça a l’air de bien aller, sans les inepties de l’empire chinois.

Vu dans la rue à Toronto, devant le Musée royal de l’Ontario, le drapeau national de Taiwan (l’étoile à 12 pointes du Guomindang de la première république de Chine). Le drapeau de la province du Québec, dont les indépendantistes veulent faire le pavillon national du Québec indépendant, flotte un peu partout. Le seul drapeau de Taiwan que j’aie vu en Chine était sur un plateau de cinéma en plein air, pour un film historique.

Sur une place dans le vieux centre de Montréal, les propagandistes d’une secte bouddhiste dont je n’écris pas le nom, parce que l’affichage de cette page serait alors bloqué automatiquement en Chine. Personnellement, je les considère comme des dingues, aussi peu désirables dans le paysage que les témoins de Jéhovah. Mais ils ont le droit d’être là et les autres le droit d’être indifférents ou intéressés. En Chine ceux qui se montrent sont envoyés en rééducation.

Les formulaires à remplir posés sur la table précisent qu’il n’est pas nécessaire d’être membre du Parti pour signer un engagement de démissionner, et que c’est gratuit (les dons sont gracieusement acceptés). Ca ne suscite pas la passion, certainement pas celle des occupants de la voiture de police qui stationne au bout de la rue. Comme il n’y a pas de Parti au Canada, difficile de trouver un équivalent.

L’homme en rouge qui part au travail, sa boîte à déjeuner à la main, est un ami avec qui j’essayais d’apprendre le chinois pendant qu’il mettait au point son français avec moi. Il a réussi l’examen de langue française d’Immigration Québec, et cinq ans après il a assez d’argent et de crédit pour acheter une maison dans la banlieue de Montréal, à peu près la même que celle qui est en face sur l’image,  plus tout ce qui va avec, par exemple sa voiture de banlieusart. Il est en train d’évaluer avec sa femme, elle aussi immigrée, le choix de devenir Canadien définitivement (et donc de ne plus être Chinois, car l’empire ne tolère pas la double appartenance). Pour moi, le permis de résidence définitive en Chine me sera peut-être accordé un jour, et en attendant je viens d’obtenir un nouveau permis d’un an.

De retour en Chine à la fin du mois de juillet, j’ai voulu prendre le train pour Pékin. Je savais déjà qu’il fallait présenter une pièce d’identité pour acheter un billet de train (la raison officielle, c’est la lutte contre les spéculateurs qui achètent les billets des jours de pointe pour les revendre). Mais cette fois il a fallu que je montre mon passeport à une contrôleuse qui l’a comparé au numéro de passeport écrit sur le billet.

A la gare de Pékin, des gardiennes de la paix en tenue d’été contrôlent l’embarquement à côté des portillons automatiques. Comme le citoyen contrôlé n’aurait pas assez de mains pour sa valise, sa carte d’identité, et le billet à présenter à la fente du portillon, c’est la gardienne de la paix qui s’occupe du billet et le restitue à l’intéressé.

A Tianjin on manque de personnel à la gare centrale (un train part toutes les trois minutes aux heures de pointe) et la grande salle des départs a donc été divisée en parcs à moutons où on est contrôlé avant d’être admis. Mieux vaut avoir pris ses précautions avant, si on est dans un parc sans accès aux toilettes.

Mais il y a une solution à tout. Il y a quelques jours, des guichets de contrôle ont été installés aux entrées de la gare, qui ressemblent maintenant à l’immigration à l’arrivée de Roissy 1, sauf qu’on fait la queue dehors, et la grande salle des départs est de nouveau ouverte à la circulation.

Le résultat, c’est que je ne peux plus dire que je sors mon passeport moins souvent qu’en France. C’était encore vrai l’année dernière.

Du coup, les appareils de radiographie des bagages qui sont partout, même dans les stations de métro de Pékin,  ne m’amusent plus (celui-ci est à la gare ouest de Tianjin, qui a toujours peu de clients, 30 trains par jour aux dernières nouvelles, mais des équipes complètes). Aussi bien, c’est inutile. Ma chère épouse met un point d’honneur à passer à côté, et je l’ai toujours vue y arriver. Et les jeunes contrôleuses du métro de Pékin n’osent pas interpeller le vieil étranger qui passe devant elles sans les voir (je fais ça de temps en temps, mais je sais que ça les attriste).

Heureusement, pour me changer les idées, j’ai eu à guider des touristes à travers les sites immanquables du nord de la Chine (la Cité Interdite, le Temple du Ciel, la Grande Muraille, le Palais d’Eté, le temple de la Grande Consolation), et je suis parti juste après faire du tourisme en même temps que tous les Chinois, pour la semaine d’or de la fête nationale. Nous sommes passés à Hong Kong, province à statut spécial. Nous avons rencontré la secte bouddhiste déjà citée qui tenait un beau stand en plein air en face de la gare de Kowloon, et croisé un cortège qui venait déployer des banderolles négatives multilingues devant le stand en question. Un pays, deux systèmes. Avant de rendre Hong Kong à l’empire chinois, les Anglais ont pris soin de gâcher le plaisir. Avec un peu de chance, ce sont les provinces à statut spécial (la troisième est Taiwan) qui réunifieront la Chine.

Hong Kong, photo de groupe des touristes (frère et soeurs et pièces rapportées). La statue est de Yue Minjun, Je raconterai plus tard.

Vivre comme un chien au Canada

Les Allemands disaient  » Wie Gott in Frankreich leben », (Vivre comme Dieu en France). Aujourd’hui ils diraient « Vivre comme un chien au Canada ». J’ai passé quelques jours dans un village de la province du Hebei (c’est en Chine, le village de la famille de mon beau-père)  qui a deux sortes de villageois, les hommes et les chiens. Ils habitent dans les mêmes maisons et chaque chien considère sa cour comme son domaine, pour le reste les chiens mènent leur vie  sociale selon leurs préférences et leurs habitudes, se fréquentent et se disputent à leur fantaisie. Hors de leur cour ils traitent les hommes avec affection ou indifférence. Au Canada, pour ce que j’ai vu, c’est tout à fait différent. En attendant que je sois de nouveau capable de dire des choses intéressantes sur la Chine et les Chinois, je vais parler de ça.

Je viens de passer une grande semaine à Toronto (sur la rive nord du lac Ontario)  chez ma cousine Anne et son mari Don (Anne est une immigrante née en France et son mari est Canadien de naissance; comme il est Chinois, ils mystifient ainsi les gens qui ne les connaissent pas).  Ils ont deux fils ; le cadet est au Japon pour ses études et l’ainé revient de temps en temps quand il a besoin de ses parents. Mais ils ne sont pas seuls dans leur maison, ils ont un chien.

Je m’imagine en ethnologue martien, envoyé par son équipe de recherche pour étudier la vie terrestre dans ce quartier de la ville de Toronto, et dépourvu des informations fournies plus haut. Le premier rapport ressemblerait à ceci :

« Cet endroit est habité par des êtres vivants intelligents à quatre pattes, revêtus d’une très belle fourrure. Ils habitent isolément ou en très petit nombre dans des logements dont la porte est au niveau du sol et qui ont toutes plusieurs étages. Chaque logement abrite également plusieurs (exceptionnellement un seul)  êtres vivants intelligents qui se tiennent debout sur les membres inférieurs, et semblent être au service des êtres à quatre pattes. Ceux-là logent dans l’étage supérieur, l’étage au niveau du sol étant réservé à l’être à quatre pattes. Leur activité et leurs échanges vocaux semblent être voués uniquement à son bien-être; en particulier ils sont sans cesse attentifs à son désir de sortir du logement pour se promener et rencontrer d’autres êtres à quatre pattes. Ils l’escortent  partout à l’extérieur du logement et lui sont alors reliés en permanence par un lien souple. J’ai pu déchiffrer des inscriptions placées très fréquemment sur le parcours, qui semblent être des énoncés de la loi, qui rappellent aux êtres debout leurs devoirs envers celui qu’ils accompagnent. J’ai pu observer plusieurs fois que les excréments de l’être à quatre pattes, qu’il dépose à l’extérieur dans des endroits favorables qu’il choisit,  sont recueillis dans des conditions d’aseptie rigoureuse et enfermés dans des emballages à usage unique, puis portés dans des containers placés partout en grand nombre et réservés à cet usage; je suppose donc qu’il s’agit d’une matière précieuse, et j’ai prévu d’enquêter sur ce qu’elle devient ensuite. »

« Le rassemblement organisé de logements qui est le centre de l’enquête. »

« L’occupant du logement où j’ai fait les premières observations ; il a deux êtres bipèdes à son service, qui habitent sur place. »

Donc, le chien de Don et Anne est un Schnauzer nain, arrivé dans la maison il y a six ou sept ans; ils ne savent plus très bien quelle bonne raison ils s’étaient donnée. Ils habitent le quartier de Beaches (les plages) au bord du lac à l’est de la ville. Voici quelques photos prises par l’ethnologue martien, et commentées par un terrien ordinaire.

Départ en promenade dans la rue où ils habitent; les maisons ont été construites d’un coup il y a dix ans, et les arbres ont poussé.  Chacune est différente en apparence. Il y a une cour derrière, et le garage donne sur une autre rue réservée à ça (et au ramassage des poubelles). Personne d’autre sur l’image ; c’est ici que la réflexion de mon épouse s’appliquerait : quand elle a découvert pour la première fois en France un quartier résidentiel, elle a dit « C’est un beau pays, mais il n’y a personne.  »

Ramassage des crottes du chien. Première étape, prendre un sac plastique dans la petite sacoche associée à la laisse déroulante. Derrière, la station d’autobus qui dessert la plage.

Deuxième étape, après avoir saisi la crotte à travers le sac plastique enfilé sur la main, l’enfermer pour le transport. Le chien a fait sur le domaine public; laisser son chien se servir de la plate-bande devant une maison serait très incorrect.

Troisième étape: déposer le sac plastique et son contenu dans la poubelle municipale (bleue pour ce qui est recyclable, noire pour les produits organiques). Un oeil attentif peut discerner trois autres poubelles sur l’image. Aucune excuse pour laisser trainer quelque chose, tout est tellement net qu’on se sent obligé de ramasser un papier de bonbon qui se serait envolé (il est impossible que quelqu’un l’ait jeté volontairement).

Suite de la promenade. Nous sommes sur le boardwalk qui longe l’intérieur de l’anse Ashbridge (Madame Sarah Ashbridge , née en 1755, Anglaise loyale à la Couronne britannique, avait quitté la Pennsylvanie indépendante avec ses fils, ses filles et les époux de ses filles, et s’était installée ici en 1794 pour créer un domaine agricole).

En suivant le regard du chien vers l’ouest, on aperçoit le centre ville de Toronto et la tour CN (550 m de haut).

Deux chiens croisés pendant une autre promenade sur le boardwalk de la plage. Au fond, le lac et la ligne d’horizon (l’autre rive est à 85 kilomètres). La barrière métallique à droite encadre une planche mal fixée qui risquerait de faire trébucher quelqu’un. Tout est sécuritaire ici. La planche a été réparée la veille de mon départ.

Queen street, la grande rue est-ouest qui traverse tout Toronto et se termine pas loin d’ici. Les poteaux très hauts de la ligne électrique à gauche sont en bois. La ligne de tramway 501 qui mène au centre ville et continue au delà est la plus longue d’Amérique (24 kilomètres).

Vu dans la vitrine d’un traiteur canin. Les petites lettres précisent qu’il existe des plats pour chiens âgés.

La pyramide de la nutrition, appliquée aux aliments pour chiens. Trois préparations à la truite, au poulet, au canard. Riche en Oméga3, disent les petites lettres.

« Ce chien suit un traitement médical quotidien », dit l’affiche du bas. Finalement, l’ethnologue martien n’avait pas tout à fait tort. Les hommes sont bien au service des chiens. Quand même, j’ai cru remarquer que ceux que leur chien promène ont plutôt l’âge d’avoir des grands enfants, qui n’ont plus envie que leurs parents les tiennent en laisse (j’ai vu des enfants en laisse dans les rues du centre, et même dans la salle d’embarquement de l’aéroport, et une cordée de petits enfants dans une rue tranquille, une monitrice à chaque bout de la corde et chaque enfant relié à la corde par une sangle avec une bande velcro. Très sécuritaire aussi.)

Et puisqu’on parle de laisse, voici quelques panneaux de prescription au sujet de l’Unleashed, les zones où le chien peut se promener sans laisse (mais sous le regard de son accompagnateur). Cliquer sur l’image pour lire le texte agrandi.

Tout est expliqué, même l’obligation de reboucher les trous faits par les chiens en liberté, car « un trou présente un risque pour les autres promeneurs, spécialement le soir ».

Aussi bien, dans cette ville, tout ce qui est obligatoire est expliqué. Nulle part ailleurs on ne trouvera un exposé de l’art de traverser la rue (sûrement pas à Tianjin, où la municipalité doit mettre des agents de la circulation sur le trottoir aux feux rouges des grandes avenues ; les automobilistes ont à peu près compris comment ça marche, mais pas encore les piétons).

Mais revenons à notre sujet de départ. L’obligation de ramasser les crottes est en crise. En effet, la municipalité a, le 6 juin, interdit la distribution de sacs en plastique dans les magasins, faisant disparaître la source naturelle de moyens gratuits pour ramasser et emporter. Précédemment, la municipalité avait voulu encourager le sac réutilisable et institué un prix de vente obligatoire de 5 centimes de dollar pour chaque emballage distribué par un magasin, supprimé ensuite parce que c’était une source d’enrichissement immoral pour les commerçants, d’où une crise politique entre le maire (contre) et son conseil municipal (pour) ; le Canada est un pays heureux pour les êtres humains aussi.

Mais il y a toujours une solution. Une entreprise canadienne s’est lancée sur le marché du sac adéquat. Il existe en deux versions, pour le citoyen ordinaire (dégradation naturelle en 18 mois, fabriqué en Chine, 300 pour 10 dollars ) et pour l’écologiste dévot (dégradation naturelle en 40 jours, fabriqué à partir d’amidon de maïs canadien, 12 dollars les 60 par correspondance). Sur le site web, on peut rechercher le magasin le plus proche. Essayer le code postal H5B1B2 (à Montréal) ou M5B2H1 (à Toronto). Le produit est conditionné en rouleaux de 15 sacs ; un tube distributeur pour un rouleau, à emporter avec soi, est au catalogue.

Ah, j’oubliais: la commercialisation de la viande de chien est légale au Canada, à condition qu’elle vienne d’un abattoir contrôlé par le ministère de l’alimentation. Et il existe de nombreux restaurants où on peut manger en compagnie de son chien.

Petit tour du monde

Ca y est, je suis rentré chez moi, après deux mois en Occident. Ma chère épouse m’avait quitté après trois semaines, pour rentrer travailler. Son fils a bien profité de son visa Schengen, il est même allé à Rome (avec nous; la prochaine fois il voyagera pour son plaisir personnel). Je suis en assez mauvais état, même une semaine après le retour. Ce n’est pas une excuse pour ne pas avoir écrit pendant deux mois et demie, juste une explication. En attendant que je sois capable d’écrire quelque chose de sensé, voici un souvenir du voyage de retour.

Dernière vision de la vie dans le Nouveau Monde, le Chalet suisse, restaurant de l’aéroport, et un fish and chips, le plat national anglais (c’est la carte qui le dit). Le serveur a compris que je suis francophone, et s’excuse en anglais de ne pas parler français (nous sommes au Canada, presque dans un lieu public, et le bilinguisme est la règle, même à Toronto, Ontario, capitale historique du Canada anglais). Quand j’y étais allé la première fois, il y a longtemps, il y avait de grands panneau dans la salle du contrôle d’immigration, disant « French speaking officer at this gate« . Effectivement, l’officier à ce guichet parlait français. Il s’était inquiété du motif de mon voyage (témoin au mariage de ma cousine). Cette fois-ci, elle (c’était une Indienne, d’après son accent) m’a demandé si je savais où je logerais le soir (chez ma cousine heureusement mariée, dont j’avais l’adresse sur un papier). Les gens de la police de l’air chinoise sont moins curieux.

La queue de l’avion de Hainan Air, compagnie chinoise. L’île de Hainan, la plus au sud de la Chine, est un lieu de vacances un peu comme la Floride. Je croyais que c’était une compagnie régionale. Mais non, elle assure un vol direct Toronto-Pékin,  comme je l’avais découvert en consultant mon vendeur de billets sur internet. L’autre compagnie qui assure le même vol est Air Canada. Ce matin avant d’aller prendre l’avion, j’avais pris le café chez une amie de ma cousine, arrivée au Canada avec elle pour un cours universitaire de vacances, et mariée à un québécois, pilote pour Air Canada. Son mari résume ainsi leur vie commune: « Je ne l’avais pas persuadée de venir, je l’ai persuadée de rester. »

Dans la salle d’embarquement, j’avais l’impression d’être arrivé en Chine. Elle était pleine de familles, certaines avec de tout petits enfants, qui allaient visiter les grand-parents au pays natal. Ils se sont très bien tenus pendant le voyage, juste quelques pleurs à l’atterrissage.

Vu de l’avion : la downtown de Toronto, cernée par les quartiers de maisons avec jardin, et l’horizon sur le lac Ontario.

Le petit écran des divertissements derrière le siège précédent affiche le trajet. Il fonctionne trop mal pour qu’on puisse voir des films. Heureusement, je peux regarder dehors. L’avion à la poursuite du soleil va rester dans la lumière pendant tout le voyage.

Dommage, le continent américain et la baie d’Hudson étaient sous les nuages. Quelques heures après, nous sommes sous le soleil de l’Arctique. L’image montre l’horizon a nord. Ce n’est pas la première fois que je vois une mer couverte de glace. Sur la route de Pékin à Paris l’avion survole la mer Baltique. Mais on y voit des sillages de bateaux, des îles, des côtes. Ici, rien pendant des heures.

Le même paysage, vu de plus près, et pas plus accueillant.

Le petit écran annonce le grand évènement du vol. Dans peu de temps, nous allons vieillir d’un jour. guoji riqi biangeng xian ; international date changer ligne. Nous allons passer du vendredi après-midi au samedi soir. L’avion atterrira le lendemain de son départ, deux heures plus tard, après treize heures de vol, et les montres marqueront l’heure locale, celle du point de départ, à douze heures près.

La Sibérie orientale vue d’une hauteur de dix kilomètres. Cette fois je n’ai vu aucune trace humaine, alors que la grande plaine vue de l’avion de Paris est pleine de routes et de lignes à haute tension qui coupent à travers la forêt.

D’autres montagnes à l’approche de Pékin, les mêmes gros nuages qui ont tellement fait pleuvoir sur la capitale que tout a été paralysé. Mon épouse m’avait écrit un message plein de prescriptions pour le cas où il pleuvrait à nouveau quand j’arriverai.

Nous sommes à Pékin. Il ne pleut pas, mais les nuages ont pris toute la lumière. Voila l’inconvénient de voler sur les avions d’une compagnie économe. Pas de tunnel de l’avion vers l’aérogare climatisée. Nous débarquons directement là où l’avion va être remis en état pour le tour suivant, à quelques kilomètres en autobus de l’arrivée. Il fait très chaud, et je me sens bien fatigué.

zhongyao yaodai ; médecine chinoise, sachet de médicaments.

Après deux heures encore dans l’autobus aéroport-Tianjin, je suis recueilli par mon épouse, très inquiète de ma mauvaise mine. Trois jours après je ne vais pas mieux. Elle me conduit à son médecin, au service de médecine traditionnelle de l’hôpital du quartier. Le médecin me fait tirer la langue, prend mon pouls avec trois doigts, au poignet gauche et au poignet droit, me fait faire un électrocardiogramme et un petit bilan sanguin. Au vu du résultat, il me prescrit une composition adéquate à faire préparer par la pharmacie de l’hôpital. Nous repartons moins d’une heure après avec tout ce qu’il faut. Ma chère épouse me prépare, dans la casserole en terre qui convient, une première prise de liquide noir au goût épouvantable, et il y en a un tiers de litre à boire chaud. Et sept sachets de brindilles et écorces pour la semaine. Le médecin a prescrit que je ne boive ni ne mange rien de froid. Pas de bière fraîche ni de crème glacée. En me levant pour préparer mon petit déjeuner, je vois que ma chère épouse, avant de partir au travail (elle commence sa journée par le petit déjeuner de l’unité de travail avec ses collègues), a sorti deux yaourts du réfrigérateur pour que je les mange à la température ambiante. Je devrais me rétablir très vite.