Aller, Retour.

Quand je prends l’avion vers la France, je ne sais pas comment dire ce que je fais. Avec ma chère épouse, pas de question: nous allons en France, et nous reviendrons à la maison plus tard. Mais tout seul ? J’ai un billet aller-retour Beijing – Paris – Beijing. La première fois que j’avais pris l’avion à Paris avec un billet comme ça, la préposée à l’enregistrement avait consulté son chef: est-ce qu’un Français peut partir en Chine sans billet de retour ? Et la dernière fois que j’ai été reçu par quelqu’un d’Air France, elle m’a dit « Ah, vous vivez en Chine. Ce n’est pas là que j’aimerais habiter. Vous avez une bonne raison ? » Jamais une Chinoise ne me pose cette question, tant il est naturel de vouloir habiter au centre plutôt qu’à l’extérieur.

Aérogare 3 de Pékin

Je suis encore en Chine. Après la gare des autobus de Tianjin, bien trop petite pour tant de monde (une autre est en construction), voici l’aérogare 3 de Pékin, trop grande encore pour avor l’air peuplée.

Comptoirs d'enregistrement

Partout ailleurs, le voyageur voit son bagage disparaître derrière un mur, et s’apprête à le suivre par un chemin voisin. Ici on le dépose sur une île, comme si on l’abandonnait.

Astrolabe de l'aéroport

Devant l’astrolabe (reproduction de celle qui a été montrée aux pères jésuites quand ils sont arrivés à Pékin en 1601) la voyageuse en noir fait poser ses parents et ses amies venus l’accompagner. Elle me demande de faire une image où ils sont tous les cinq puis me propose de me photographier avec mon propre appareil, puisque je suis seul et triste.

Burger King

Justement, puisque je suis seul, j’ai le droit de m’offrir une petite excursion dans le faux Occident de l’aéroport, en attendant d’arriver dans le vrai.

Contrôle d'immigration

Au contrôle des passeports, le ciel est nettement plus bas que dans le hall. C’est là qu’on commence à s’acclimater à un monde où il n’y a pas que des  Chinois.

Contrôleuse des bagages

La contrôleuse des bagages examine mon appareil photo et se photographie elle-même. Sa collègue qui regarde les images de la radiographie de mon sac a découvert la silhouette d’un objet inconnu et donc peut-être dangereux.

Objet inconnu

Le voici. (photo prise plus tard: il est posé sur une feuille de bloc quadrillé à 5 millimètres.) J’explique que c’est un niveau à bulles pour prendre des photos bien horizontales, et je l’adapte à sa place. Les agentes de sécurité sont rassurées. La dernière fois, à Paris, leurs collègues français avaient vu un tournevis dans ce même sac. Après une fouille attentive, le tournevis avait disparu. Trouble et inquiétude; il avait fallu que je le retrouve moi-même dans la sacoche de l’ordinateur pour les rassurer; celui qui passe sa vie à contempler le paysage intérieur des bagages finit par faire des confusions.

Salle de transit

Nous sommes maintenant dans le monde intermédiaire des départs internationaux. Les deux messieurs qui dorment au centre sont Russes.

Sikh et agent

Le monsieur à gauche est un Sikh qui se rend à Londres. Son épouse derrière lui refait le drapé de son châle argenté vert.

Vol CA8888

Avion et autobus

Vol CA8888 en direction de San Francisco et Los Angeles.

Le vol vers Paris est loin, très loin dans les coursives du terminal

Aéroport de Pékin

Métro intérieur

Je vois passer, de l’autre côté de la vitre, le métro qui vient de nous amener. Nous refaisons à pied une partie du chemin pour trouver notre embarquement.

Escalier vers la salle d'embarquement

Encore un escalier à descendre et nous quittons les grands espaces. En bas, la salle d’embarquement est aussi confinée que la gare routière du départ. D’ailleurs ça sent le gasoil et nous allons prendre l’autobus.

Salle d'embarquement

Le grand panneau au-dessus des têtes indique « toilettes, eau potable ». On est retourné dans le monde des transports sans prestige. Pendant les deux heures d’attente (l’avion est en retard), je fais la connaissance d’un couple franco-chinois. Ou que je crois tel. Mais non: tous les deux sont Français et accompagnent leurs conjoints en retour de mission: le congrès mondial des trains à grande vitesse qui vient de se tenir à Pékin. Ils ont eu le plaisir d’aller de Hangzhou à Shanghaï dans le convoi du record du monde, 415 km/heure. Mais les mystères des ordres de mission fait que les conjoints en mission voyagent en classe affaire sur Air France, et leurs accompagnateurs en classe touriste sur Air China. Ils espèrent se rejoindre à Roissy.

Vol de nuit

J’étais arrivé tôt pour avoir une fenêtre et profiter du jour pendant tout le vol à la poursuite du soleil (on part de Pékin à 13h30 et on arrive à Paris 10 heures après à 17h). Mais nous sommes en retard. La nuit nous rattrappe au-dessus de la Mongolie. Mon voisin déploie sur sa tablette des fiches et écrit un article, avec autant de sérénité que s’il était dans son bureau. Je regarde indiscrètement son manuscrit … « Jacques Lacan »… « évolution de l’esprit »… Un autre met à jour ses notes de voyage, un plan du métro de Pékin devant lui. J’admire. Je n’ai jamais été capable de travailler seul pendant un voyage. Il me fallait des collègues à l’époque où je travaillais.

Couloirs de Roissy

Et voila, nous sommes arrivés. Les habitués reconnaîtront les tunnels confinés de Roissy I. Nous avons déja attendu debout dans le couloir de sortie pendant que des agents de la police de l’air examinent à la mauvaise lumière les papiers des passagers. La scène est la même chaque fois que j’arrive à Paris. Il est recommandé aux Chinois de s’habiller avec prestige sinon ils sont suspectés de faux papiers. Nous attendons encore aux guichets de l’immigration, invisibles derrière l’angle droit. Au bout de trois quarts d’heure d’immobilité ou presque, nous avons l’explication: il n’y a que deux agents, moins qu’avant puisque les machines de contrôle automatique avec les nouveaux passeports à puce devraient être en service. Et un des deux est aux prises avec la consigne de réclamer aux Chinois non seulement le passeport avec le visa Schengen, mais aussi les documents qui ont permis au consulat de l’accorder: attestation d’accueil sur papier sécurisé établie par la mairie du lieu de résidence de celui qui invite, et certificat d’assurance rapatriement. Essayez donc d’expliquer cela en anglais (langue que vous ne parlez pas) à quelqu’un qui ne comprend pas l’anglais. A Pékin, dans l’autre sens,  le problème serait déja réglé. Les agents d’immigration travaillent dans une grande salle et ont derrière eux, sur une estrade, un chef qui leur envoie un expert chaque fois qu’ils ont un problème. A Roissy ils sont enfermés à deux dans leur petite armoire de verre, sans arrière ni recours.

Approche du guichet d'immigration

Je suis arrivé au guichet. Je présente ma carte d’identité, bien fatiguée depuis cinq ans que je la promène dans mes poches (En Chine, je n’ai jamais mon passeport sur moi; je pourrais le perdre. Je présente la carte d’identité française, et les policiers sont si intéressés par cet objet jamais vu qu’ils oublient pourquoi ils m’ont demandé une pièce d’identité). L’agent me fait remarquer qu’elle est détériorée et qu’il devrait me faire payer une amende de 45 euros. Un rien agacé, je présente mon passeport et je le prie de dresser un procès-verbal pour que je le transmette à mon avocat. Il me dit que ça va, c’est juste un conseil de la faire renouveler. Je laisse la place au suivant; l’atmosphère du lieu est déja assez tendue comme cela.

Mais un autre homme en uniforme juge qu’il doit intervenir. Il se lance dans un grand discours sur mon attitude insultante et le fait que je ne suis plus en Chine mais en France et qu’ici on doit respecter les autorités. J’essaie de savoir qui il est. Il me dit qu’il est « le gradé en charge » et continue son discours. J’arrive à le dégager du passage qu’il obstrue, sans m’éloigner de la vue de ses collègues et des voyageurs. Il a un gros pistolet à la ceinture et je serais très inquiet si nous étions seuls. J’ai l’impression que travailler trop longtemps dans cet endroit resserré et antipathique est dangereux pour les nerfs.

Robots à Helsinki

La prochaine fois que j’aurai à conseiller quelqu’un qui veut aller de Pékin à Paris, je lui dirai de prendre un billet de Finnair, avec changement d’avion en Finlande. Il entrerait dans l’espace Schengen par le hall de transit de l’aéroport d’Helsinki, et arriverait à Paris par un vol européen intérieur, dans l’indifférence des autorités. Les policiers d’Helsinki ont de l’air autour d’eux et leur ministre n’a pas de spectacle à assurer. Même les contrôleurs-robots ont une tête presque sympathique. A Paris il faut entrer dans une espèce de réfrigérateur à porte vitrée et s’enfermer dedans. Je n’ai pas pu essayer, ils ne fonctionnaient pas.

Enfin, je suis en France. J’ai mis du temps à me reposer du voyage.

7 commentaires sur “Aller, Retour.

  1. A chaque fois que je prends Air China, l’accueil au terminal 1 de Roissy déborde de joie et de sourires chaleureux dès la sortie de la cabine d’avion :-))

    Je confirme qu’un vol avec escale (Finnair ou KLM par exemple) est peut être plus long mais les conditions d’arrivée à Paris sont plus rapides et moins stressantes.

    Par contre quelque soit la compagnie, l’attente des bagages est exceptionnellement longue. En Chine j’ai toujours été surpris par la promptitude pour amener les bagages sur les tapis, à moins que cela soit la norme dans la plupart des pays. En France tout est possible.

    Joyeuse fin d’année, tous mes vœux de Bonheur et surtout de Santé pou l’an neuf.

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  2. Merci pour ce récit… Effectivement, les arrivées en Europe sont toujours difficiles. Entre la fatigue du voyage, l’attente, les locaux pas très agréables et la salle impression d’être un délinquant en puissance, on s’ennerve facilement…
    Je ne sais pas si en passant par d’autres pays européens, c’est plus facile. Les portes de l’Europe sont sévèrement vérouillées. Et la main d’oeuvre coûte si cher… Une personne de ma connaissance a passé deux heures en garde à vue à Amsterdam, les douaniers bataves ayant l’impression que son passeport était un faux…
    On retrouve la même impression en arrivant aux USA…
    J’ai aussi l’impression que Roissy 2 (via Air France) est beaucoup, beaucoup plus agréable que Roissy 1 à l’arrivée : mes derniers débarquements se sont passés sans encombre, sans aucune attente au passage de frontière et sans même de contrôle à la passerelle de l’avion (Air France aurait-il un système d’échanges de données avec la PAF plus perfectionné qu’Air China?). Bon, certes, il faut aimer voler sur Air France…
    Enfin, l’avantage d’une attente assez longue à la douane, c’est que finalement, on attend moins longtemps les baggages ensuite…
    Bonne année !

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  3. Intéressant.
    Ca me fait penser que moi non plus je prends jamais mon passeport avec moi. Mais je prends pas de carte d’identité vu que je l’ai perdue…et j’ai pas peur de me faire contrôler vu que je crois bien que j’ai jamais vu de policier à Tianjin (à part ceux qui font la circulation).

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  4. Super article !
    du début à la fin, on revoit des scènes vécues si souvent, des moments d’attente interminable, des tristesses dès qu’on débarque en France car tout est lent, sale, peu accueillant…. Quelle image les étrangers ont ils de notre pays ? quand on voit l’arrivée à Roissy, on se sent un peu honteux…
    de même, le traitement infligé aux ressortissants étrangers est de loin pire que celui que les étrangers subissent en Chine…
    ahhh… avant de regarder la paille dans l’oeil du voisin….

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